OPÉRA Histoire, de Peri à Puccini
La richesse d'une fin de siècle
Cette seconde moitié du xixe siècle connaît d'autres créateurs que Verdi ou Wagner. En France, en Russie, en Bohême et même en Italie, l'opéra vit en effet un véritable âge d'or.
Le renouveau français
Conciliant de manière harmonieuse les mérites respectifs de l'opéra-comique et du grand opéra, le drame lyrique va faire oublier Meyerbeer aux Français, grâce à Charles Gounod (1818-1893), ancien élève de Halévy, dont le Faust (1859) est l'un des deux ou trois opéras les plus couramment représentés dans le monde et pourtant c'est peut-être l'œuvre qui lui ressemble le moins. On s'en voudrait de réduire Gounod à son seul Faust : Roméo et Juliette (1867), d'une remarquable fidélité au texte de Shakespeare, rend mieux compte de la subtilité toute française du compositeur, due à un véritable sens littéraire et à une grande élégance musicale.
Ultime précurseur de Debussy, héritier de Gounod, Jules Massenet (1842-1912) s'est rendu célèbre par ce qu'on a appelé ses « langueurs ». Au-delà du cliché, c'est un maître de la déclamation et de l'instrumentation, dont le talent s'est surtout appliqué à mettre en lumière des destins de femmes : dans Manon (1884), dans Werther (1892) – c'est Charlotte l'héroïne –, dans Thaïs (1894).
L'épanouissement russe et d'Europe centrale
À la suite de Glinka, l'opéra russe va trouver avec Alexandre Borodine (1834-1887) un premier vrai maître. Le Prince Igor (créé en 1890) présente des qualités expressives qui, tout en prenant en compte des thèmes folkloriques, se fondent dans un sens étonnant de la mélodie. Mais c'est avec Modeste Moussorgski (1839-1881) que l'art lyrique russe atteint sa grande maturité. Moussorgski n'aura guère de chance avec son Boris Godounov, qui l'a occupé de 1867 à 1872, mais qui ne fut créé qu'en 1874 après de multiples difficultés dues aux refus répétés du Comité des théâtres impériaux. Malgré les révisions multiples, cette fresque immense, terrible, qui met en scène le peuple russe en un kaléidoscope de situations radicalement divergentes, place son auteur à égalité avec les plus grands. Moussorgski, tout en puisant à toutes les sources imaginables de la musique russe (folklorique, religieuse, etc.), parvient à unifier son propos par un sens quasi inné de la mélodie.
Après lui, l'opéra russe sera encore servi, en cette fin de siècle, par Nicolaï Rimski-Korsakov (Sadko, 1898, et La Fiancée du tsar, 1899, notamment), mais surtout par Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893), auteur de dix ouvrages d'une veine sans doute plus cosmopolite, où se fait sentir entre autres l'influence française, plus intimiste aussi, en tout cas dans Eugène Onéguine (1879) et La Dame de pique (1890).
À côté de la Russie, en cette fin du siècle, un peu partout en Europe, tandis que se lève le vent des nationalismes, l'opéra rencontre des courtisans qui vont trouver en lui un « allié objectif » à leurs causes. Le Tchèque Bedřich Smetana (1824-1884), wagnérien authentique, deviendra cependant l'auteur du prototype de l'opéra national avec La Fiancée vendue (1866), considéré encore aujourd'hui comme un véritable monument national dans son pays, où Le Jacobin (1889) ou Rusalka (1901) d'Antonín Dvořák (1841-1904) sont à peine moins populaires.
Le cas Bizet
La Carmen de Georges Bizet (1838-1875) fait probablement partie de ces chefs-d'œuvre de l'art lyrique dont mille exégèses ne parviendront jamais à épuiser véritablement la popularité. Œuvre profondément réaliste, elle met pourtant en scène un personnage qui, par sa lucidité extrême et son appétit de liberté, n'est pas sans rappeler cette autre grande figure mythique : Don Juan. Au chapitre musical, tout a été dit[...]
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Écrit par
- Jean-Vincent RICHARD
: journaliste et musicologue, rédacteur en chef aux
Nouvelles , rédacteur en chef deL'Avant-Scène musique
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