OPÉRA Le renouveau de l'opéra baroque
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L’opéra est une « composition dramatique mise en musique et chantée sur le théâtre, secondée par les instruments, et enrichie de costumes majestueux, de machines et autres décorations ; l'Opéra fut d'abord l’usage des Vénitiens, qui en ont fait l'une des premières gloires de leur carnaval. Il fut ensuite celui des Français, puis le nôtre » (selon la définition du lexicographe anglais Nathan Bailey). « Une musique baroque est celle dont l’harmonie est confuse, chargée de modulations et dissonances, le chant dur et peu naturel, l’intonation difficile, et le mouvement contraint » (Jean-Jacques Rousseau, 1768).
Le premier compositeur à voir ses opéras qualifiés de « baroques » fut donc l’ennemi de Rousseau, Jean-Philippe Rameau. Au temps des Lumières, la nuit « baroque » et ses monstres n’avaient pas bonne presse. C’est pourquoi la philosophe Catherine Kintzler refusa toujours d’associer l’adjectif baroque aux siècles que la tradition dit classiques. En fait, on ne trouve nulle trace de « musique baroque » décrivant une période et non une difformité avant l’article du musicologue Curt Sachs précisément intitulé Barockmusik en 1919. Longtemps réservé à la musicologie allemande, le terme ne s’imposera d’ailleurs pas en France avant la Seconde Guerre mondiale.
Depuis 1919, l’usage fait courir la « musique baroque » de 1600 à 1750, c’est-à-dire des premiers opéras à la mort de Jean-Sébastien Bach. Le musicologue américain James R. Anthony avance pour sa part la date d’origine au 15 octobre 1581, jour où se tient à Paris le grand spectacle fondateur, un Balet comique de la Royne sur le thème de Circé, et recule celle du décès au 12 septembre 1764, mort de Rameau.
Arbitraire pour arbitraire, on peut suivre l’opéra baroque d’Orfeo (Monteverdi, 1607) à Orfeo (Gluck, 1762) : deux dates fondatrices. La première n’est pas celle d’un genre, mais d’une galerie de chefs-d’œuvre. La seconde est celle de l’opéra moderne puisque, à partir de Gluck, les titres nouveaux formeront notre répertoire, quand tous ceux qui l’ont précédés tomberont dans un oubli plus ou moins durable. Et c’est précisément la fin de cet oubli qui est relatée ici.
1925 : l’opéra baroque renaît
Les historiens ne tiennent pas 1925 pour une année faste de l'opéra baroque. Cette année-là, Mussolini et Staline s'arrogent de nouveaux pouvoirs. Tandis que paraît Le Procès de Franz Kafka, que Lion Feuchtwanger publie Le Juif Süss et Adolf Hitler Mein Kampf, Bernard Shaw reçoit le prix Nobel de littérature. Eisenstein montre son Cuirassé Potemkine et Chaplin sa Ruée vers l'or. Kandinsky peint Dans le bleu et Picasso Les Trois Danseurs. En pleine euphorie art déco éclate le surréalisme. Erik Satie meurt à Paris quand Pierre Boulez naît à Montbrison. Aaron Copland et Dmitri Chostakovitch donnent leurs premières symphonies. Doktor Faust de Ferruccio Busoni, L'Enfant et les sortilèges de Maurice Ravel et Wozzeck d'Alban Berg font leur entrée dans les maisons d'opéra. La machine musicale, moderne comme les autres machines, tourne à plein régime.
Jules César, opéra de G. F. Haendel, mise en scène de Luca Ronconi
Quim Llenas/ Cover/ Getty Images
1925 est pourtant l’année d'une exhumation capitale. Après trois siècles d'oubli, Il ritorno d'Ulisse in patria de Claudio Monteverdi sort de l'ombre, d'abord sous forme de fragments et en concert à Bruxelles, puis en scène dans l'arrangement de Vincent d'Indy à Paris, le 16 mai. C'est aussi en 1925 que commence la guerre des styles, avec un autre opéra de Monteverdi, L'Orfeo, dont Carl Orff propose en Allemagne un arrangement modernisé tandis que le tout jeune musicologue Jack Westrup ouvre, avec un orchestre moderne puisqu'il n'en connaît pas d'autre, la voie « authentique ». La première réalisation scénique de Semele, le 10 février à Cambridge, annonce le départ des chercheurs[...]
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Écrit par
- Ivan A. ALEXANDRE : auteur, journaliste, metteur en scène
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Médias
Jules César, opéra de G. F. Haendel, mise en scène de Luca Ronconi
Quim Llenas/ Cover/ Getty Images
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