OPÉRA Le renouveau de l'opéra baroque
Lully : la célébration
Les années 1980 ont été frappées par un quadruple anniversaire « baroque » duquel est sortie une génération fourmillante et florissante. En 1985, les musiciens célébraient en même temps Heinrich Schütz (né en 1585), Jean-Sébastien Bach, Haendel et Domenico Scarlatti (nés tous trois en 1685). À cette fête mondiale, la France ajouta de part et d'autre deux tricentenaires : celui de la naissance de Rameau, en 1983, et celui de la mort de Lully, en 1987. Si bien que, à l'Opéra, nous avons connu cette séquence magique, aussi rare et frappante pour l'imagination qu'un alignement de planètes : Rameau en 1983, Haendel en 1985, Lully en 1987. Des trois, le plus retentissant fut le plus inattendu.
Avant 1987, Lully n'existait pour ainsi dire pas au théâtre. Nous avions bien vu l'Odéon adapter Psyché en 1914 et, en 1925, l'Opéra de Paris offrir Le Triomphe de l'Amour à son ballet – expériences sans lendemain à partir de deux pièces qu'on ne saurait qualifier d'opéras. En 1933, le musicologue Henry Prunières avait supervisé à Amsterdam une production « historique » de la pastorale Acis et Galatée – elle aussi sans lendemain. Cinq ans plus tard, le Twentieth Century Theatre de Londres avait essayé Amadis, sans grand succès. En 1985, à Kassel, le metteur en scène Herbert Wernicke s'était épris de Phaëton, ouvrage ardemment politique, puis s'en était détourné pour ne plus jamais revenir à Lully. Même le disque renâclait : personne n'avait enregistré de tragédie lulliste avant la première Alceste dirigée par Jean-Claude Malgoire en 1975, laquelle n'eut aucune descendance jusqu'au tricentenaire. Seule Armide, jamais oubliée depuis 1686, avait plus ou moins régulièrement reparu, dès 1887 à Bruxelles (sous forme d'extraits), en 1905 à la Schola cantorum de Paris, en 1911 à Florence, sept ans plus tard à Monte-Carlo, en 1939 à Genève. Mais elle non plus ne trouva jamais accès au « répertoire » : où qu'elle reparût, elle ne le fit qu'une fois.
Il arriva donc, en 1987, un miracle. Tout était prêt. Les musiciens, à la recherche du son perdu depuis quinze ans : La Petite Bande de Sigiswald Kuijken était née en 1972 avec Le Bourgeois Gentilhomme, quelque mois avant la fondation simultanée de l'English Concert de Trevor Pinnock, de l'Academy of Ancient Music de Christopher Hogwood, du Taverner Choir d'Andrew Parrott, de Musica Antiqua Köln de Reinhard Goebel et d'Hespèrion XX de Jordi Savall. L'Opéra de Paris, dont l'administrateur, Massimo Bogianckino, homme de culture et bientôt maire de Florence, faisait un idéal messager du Florentin de Versailles. Le public, peu à peu converti aux arts « baroques ». La richesse cumulée des anniversaires de 1983 et 1985 éclata donc à la fin 1986 de au Teatro Comunale de Florence puis, avec de bien plus nombreuses conséquences, le 16 janvier 1987 à l'Opéra-Comique de Paris. Ce jour-là, Atys, quatrième tragédie en musique de Philippe Quinault et Jean-Baptiste Lully, regagnait une scène de Paris, pour la première fois depuis 1760. Un plateau constitué des spécialistes les plus éminents de la déclamation chantée, dix danseurs formés par une spécialiste non moins éminente, Francine Lancelot, soutenus par un orchestre fastueux sous la direction de William Christie, jouaient une version intégrale d'une œuvre inconnue que, la veille, d'aucuns annonçaient rébarbative. La rencontre des musiciens, des danseurs, du décorateur et du costumier, sous l'œil du metteur en scène Jean-Marie Villégier – qui, loin de chercher sa voie dans la « reconstitution », évoquait dans son spectacle la vie quotidienne à Versailles sous le Soleil couchant –, cette fusion unique de génies complémentaires qui, fortune plus unique encore, parlaient la même langue, rencontra en un soir le succès[...]
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- Ivan A. ALEXANDRE : auteur
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