OPÉRA Le renouveau de l'opéra baroque
Purcell : le lien
Tout à fait le contraire de son contemporain Henry Purcell, évidemment choyé lors de ses propres tricentenaires (1959 et 1995), mais sans cesse chéri et honoré depuis sa mort. Comme La serva padrona de Pergolèse et Acis and Galatea de Haendel, Dido and Aeneas était au xixe siècle, plus estimé que joué. Nous pouvons même dater son retour définitif : 1895, donc ici encore à l'occasion d'un anniversaire et dans une orchestration de Charles Wood. Mais c'était, dès lors, pour ne plus quitter la scène. À cet égard, le rapprochement avec l'intermezzo de Pergolèse et le masque de Haendel n'a rien de fortuit. Dans les trois cas, il s'agit d'ouvrages de proportions modestes, posant peu de problèmes éditoriaux, n'ayant recours à aucune matière ni aucune technique disparues (le bel canto baroque, la haute-contre ou le countertenor originels, l'orchestre français à cinq parties...) et ne rebutant les troupes modernes ni par la spécificité de l'exécution (pas de castrat, pas de chevalier soprano : les hommes chantent en bas, les femmes en haut) ni par la désuétude de la forme (aria da capo peu nombreuses ou peu étendues, économie de l'ornementations, virtuosité modeste). Accessible aux sopranos comme aux mezzo-sopranos, le rôle-titre a séduit toutes les tragédiennes, initiées ou non à l'art de Purcell – hier Kirsten Flagstad, Giulietta Simionato, Irmgard Seefried, Victoria de Los Angeles, Janet Baker, Teresa Berganza, Tatiana Troyanos ; ensuite Jessye Norman, Lorraine Hunt, Anne Sofie von Otter, Susan Graham. En outre, si Charles Wood avait pris quelques libertés avec les manuscrits à sa disposition (dont, il est vrai, aucun ne date du xviie siècle), et si la pesante orchestration réalisée dans les années 1920 par le chef autrichien Artur Bodansky jouissait d'une excellente réputation à New York, Benjamin Britten publiera dans les années 1950 une Dido aussi fidèle que possible à l'original et très vite adoptée par ses pairs, prouvant ainsi que l'opéra de Purcell existait par lui-même, à la différence des drames de Monteverdi. La mystérieuse « ligne de basse » de Poppea comme les roucoulades aiguës de Giulio Cesare, les « steppes de récitatif » de Lully et les danses innombrables de Rameau trahissent leur âge, expliquent et justifient la rupture. La noble simplicité de Dido rétablit un lien. Il n'est pas surprenant que Dido and Aeneas soit, depuis les sept 78-tours réalisés par Clarence Raybould en 1935, de beaucoup l'opéra baroque le plus enregistré, et à peine plus insolite que King Arthur et The Fairy Queen, qui ne sont pas des opéras et ne racontent rien du tout, demeurent des ouvrages bien plus populaires que Tamerlano, Armide, Dardanus, ou Il ritorno d'Ulisse.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Ivan A. ALEXANDRE : auteur
Classification
Médias
Autres références
-
NAISSANCE DE L'OPÉRA
- Écrit par Christian MERLIN
- 224 mots
Quand et où faire commencer l'histoire de l'opéra ? La date de 1600et la ville de Florence semblent le mieux correspondre à un acte de naissance. Le xvie siècle n'avait connu que des ébauches de théâtre musical : dans les fêtes princières et les chants de carnaval, le spectacle avait...
-
NAISSANCE DE L'OPÉRA - (repères chronologiques)
- Écrit par Christian MERLIN
- 314 mots
Vers 1550 Emilio de' Cavalieri naît à Rome.
20 août 1561 Jacopo Peri naît à Rome ou à Florence.
1581 Publication à Florence du traité de Vincenzo GalileiDialogo della musica antica e della moderna en faveur du chant soliste accompagné.
1598 Dafne de Jacopo Peri, sur un livret d'Ottavio...
-
L'OPÉRA DE QUAT'SOUS (B. Brecht et K. Weill)
- Écrit par Juliette GARRIGUES
- 338 mots
- 1 média
Le 31 août 1928, Die Dreigroschenoper (L'Opéra de quat' sous), « pièce avec musique » en un prologue et trois actes de Kurt Weill sur un livret de Bertolt Brecht, est créé au Theater am Schiffbauerdamm de Berlin. L'Opéra de quat' sous et Grandeur et décadence de la...
-
ADAMS JOHN (1947- )
- Écrit par Patrick WIKLACZ
- 1 969 mots
- 2 médias
L'œuvre la plus connue de John Adams est l'opéra Nixon in China (créé au Houston Grand Opera le 22 octobre 1987). Minimaliste et parfois proche de Stravinski, l'ouvrage a bénéficié de la collaboration du metteur en scène Peter Sellars et de l'écriture d'Alice Goodman. De cet... -
ADLER KURT HERBERT (1905-1988)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 464 mots
Le chef d'orchestre Kurt Adler, directeur de l'Opéra de San Francisco, fit de ce dernier l'une des plus grandes scènes lyriques des États-Unis.
D'origine autrichienne, Kurt Herbert Adler voit le jour le 2 avril 1905, à Vienne. Formé à l'Académie de musique, au conservatoire...
-
AIR, musique
- Écrit par Michel PHILIPPOT
- 3 278 mots
- Afficher les 586 références