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OPÉRA Les techniques d'écriture

Les composants

L'ouverture

Les Noces de Figaro - crédits : John Chillingworth/ Moviepix/ Getty Images

Les Noces de Figaro

D'abord simple fanfare annonciatrice du début de la pièce, confiée aux instruments à vent, l'ouverture deviendra un morceau orchestral élaboré, indépendant puis progressivement relié au contenu même de l'opéra. Deux modèles furent adoptés par les compositeurs : celui de la « sinfonia » en trois mouvements (allegro-andante-allegro), prélude quelque peu léger mais brillant qui introduisait l'opéra baroque italien, et celui de l'« ouverture à la française » de structure ternaire (introduction lente en valeurs pointées, fragment vif en écriture fuguée et retour de l'élément initial), qui ouvrait majestueusement le prologue de la tragédie lyrique française. Tous les auteurs des xviie et xviiie siècles, de Pier Francesco Cavalli et Alessandro Scarlatti à Haendel, de Lully et André Campra à Rameau, respectèrent cette double tradition. Peu à peu, une corrélation s'établit entre cette pièce instrumentale et le drame lui-même, Rameau étant l'un des premiers à pressentir cette liaison nécessaire. On adopta le système de la citation reprise dans l'ouvrage même (Rameau, dans Platée, en 1745 ; Mozart, dans Don Giovanni, en 1787) ou l'usage d'une rhétorique d'éléments contrastés proche de la dialectique de la sonate classique (Rameau, dans Zoroastre, en 1749, l'ouverture « peignant » l'opposition entre les principes du bien et du mal ; Mozart, dans Les Noces de Figaro, en 1786) dans le but de préparer l'auditeur au caractère du drame ainsi annoncé. L'ouverture d'Iphigénie en Aulide (1774), de Gluck, illustre parfaitement cette fonction. D'autres compositeurs se contentèrent d'aligner les thèmes jugés essentiels de la partition, comme le fit Grétry, par exemple. Ce procédé l'emporta au début du xixe siècle, mais, parfois, le soin avec lequel ces citations furent insérées dans un ensemble cohérent, travaillé et brillamment orchestré fit que l'ouverture, bien que liée à l'opéra même, redevint une pièce autonome (Leonore III pour le Fidelio de Beethoven ; le Freischütz de Weber ; Le Carnaval romain pour le Benvenuto Cellini de Berlioz ; Tannhäuser de Wagner ; La Traviata de Verdi). Les compositeurs adoptèrent aussi le prélude introduisant aussitôt le drame (Verdi dans Falstaff ; Debussy dans Pelléas et Mélisande), ou n'hésitèrent pas à présenter directement la pièce (Verdi dans Otello ; Alban Berg dans Wozzeck), procédé qui semble le plus communément utilisé à l'époque contemporaine.

Le récitatif

L' écriture du récitatif est sans doute le travail le plus délicat pour un compositeur d'opéra, car elle résulte d'une série d'options liées à la conception même du drame et de son rôle vis-à-vis de la musique. Selon le rapport que le compositeur entend privilégier entre les éléments du drame, entre le parlé, le récité, le déclamé et l'expression mélodique, entre l'intelligibilité maintenue et la distorsion acceptée du texte, il s'ensuit un certain type d'écriture du récitatif. De plus, l'esthétique même du drame influe sur la fonction attribuée au récitatif. L'esthétique de la tragédie classique française, qui préfère raconter un événement plutôt que le montrer, incite le compositeur à adopter un système de débit lyrique non mesuré, adapté aux exigences de la langue. Les partitions de Lully et de Rameau sont parsemées de ces « récits » aux changements de mesure fréquents pour respecter le rythme et l'accentuation de la langue française, accompagnés par la basse continue exécutée par un clavecin et un petit ensemble instrumental. Lorsque ce récit s'organise temporairement en fragments mesurés, avec des carrures plus nettes, on se trouve en présence du « récit mesuré » ou de l'« air mesuré », selon[...]

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Écrit par

  • : professeur titulaire de la chaire d'histoire de la musique et de musicologie au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

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Média

Les Noces de Figaro - crédits : John Chillingworth/ Moviepix/ Getty Images

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