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OPÉRATION T4

L’Opération T4 (en allemand Aktion T4) est le nom de code donné par le gouvernement nazi à un vaste programme visant, sous couvert d’« euthanasie », à éliminer physiquement les malades incurables, les handicapés physiques ou mentaux, les sujets souffrant de graves troubles émotionnels ainsi que les personnes séniles. Déclenché par Hitler en 1939, ce programme fut officiellement interrompu en 1941, mais poursuivi en secret jusqu’à la défaite militaire de l’Allemagne nazie, en 1945.

Meurtres de masse médicalisés

En octobre 1939, Hitler habilita son médecin personnel et le chef de sa chancellerie à faire tuer les personnes jugées inaptes à vivre. Il antidata son ordre au 1er septembre 1939, jour de déclenchement de la guerre mondiale, pour lui donner l’apparence d’une mesure de guerre. Selon cette directive, le docteur Karl Brandt et le chef de la chancellerie Philipp Bouhler se voyaient « chargés de la responsabilité d’étendre l’autorité des médecins […] de telle sorte que les patients jugés incurables, selon la meilleure appréciation humaine possible de leur état de santé, puissent se voir accorder une mort miséricordieuse ».

En quelques mois, l’Opération T4 – nom de code choisi par référence à l’adresse berlinoise des bureaux spécialisés de la chancellerie qui la superviseraient, au 4, Tiergartenstrasse –, en vint à concerner potentiellement la totalité des personnes placées en établissement psychiatrique. Une nouvelle bureaucratie supervisée par des médecins était établie, chargée de mettre à mort toute personne dont la vie serait jugée comme « ne valant pas d’être vécue ». Nombre de médecins et de biologistes acquis aux thèses de l’ eugénisme, qui voyaient dans le nazisme une « biologie appliquée », adhérèrent avec enthousiasme à ce programme. Cependant, les critères de sélection prévu par ce dernier n’étaient pas exclusivement génétiques, ni nécessairement fondés sur le handicap. Un autre critère important était d’ordre économique : les fonctionnaires nazis classaient les personnes largement en fonction de leur productivité économique. Ils qualifiaient couramment les victimes du programme comme des « fardeaux » et des « bouches inutiles », appellations depuis longtemps banalisées par la propagande nazie.

Les directeurs de l’Opération T4 ordonnèrent l’ouverture d’une enquête sur toutes les institutions psychiatriques, les hôpitaux et les centres pour malades chroniques. Au 4, Tiergartenstrasse, des experts médicaux passaient en revue les formulaires envoyés par ces établissements depuis toute l’Allemagne. Ils avaient pouvoir de vie ou de mort sur les patients sans les examiner ni lire leur dossier médical. Les personnels exécutants tuèrent d’abord les victimes par privation de nourriture ou injection létale. Ensuite, par souci d’efficacité, l’asphyxie par gaz mortel fut retenue comme technique privilégiée de mise à mort. Des médecins supervisaient les gazages dans des chambres maquillées en salles de douche. Le gaz mortel était fourni par l’industrie chimique.

Les administrateurs du programme établirent six centres de mise à mort de ce type en Allemagne et en Autriche : Hartheim, Sonnenstein, Grafeneck, Bernburg, Hadamar et Brandenburg. Le personnel de la SS en charge du transport des personnes revêtait une blouse blanche pour maintenir la fiction d’une procédure médicale. Les employés au programme informaient les familles des victimes de leur transfert dans ces centres. Les visites, cependant, n’étaient pas possibles. Les proches recevaient ensuite une lettre de condoléances, un certificat de décès falsifié signé par des médecins, ainsi qu’une urne contenant les cendres.

La transformation par le régime de médecins en assassins s’était faite progressivement, en usant de justifications pseudo-scientifiques. Peu après l’arrivée au pouvoir des[...]

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Écrit par

  • : ancien directeur de l'Institut américain de recherche sur la Shoah et de la Fondation américaine pour l'histoire visuelle des survivants de la Shoah

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  • NAZISME

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    • 4 764 mots
    • 2 médias
    ...1933 sur « la prévention de la reproduction des tares » édicte la stérilisation forcée des « malades héréditaires » (400 000 stérilisations) avant que, en octobre 1939, ne soit décidée leur élimination, ainsi que celle de tous ceux considérés comme un « fardeau » pour la nation (« Opération T4 »).
  • TREBLINKA

    • Écrit par et
    • 765 mots

    Le complexe nazi de Treblinka, situé près du village homonyme, se trouvait à 80 kilomètres au nord-est de Varsovie sur la ligne Varsovie-Bia|lystok. Il comprenait en réalité deux camps distincts. Les nazis ouvrirent d'abord un petit camp, nommé Treblinka, à 4 kilomètres de la gare du même nom...