OPÉRETTE
L'opérette classique
La meilleure définition de l'opérette pourrait être celle qu'en donnait Claude Terrasse : « L'opéra-comique est une comédie en musique, tandis que l'opérette est une pièce musicalement comique. »
Au xixe siècle, enfin, on laisse s'ouvrir petit à petit quelques théâtres populaires, sévèrement surveillés par les gouvernements successifs, qui craignent toujours d'y retrouver l'esprit de la Foire, l'ironie, la critique de ce public parisien notoirement irrévérencieux. Les règlements en sont draconiens ; un entrepreneur de spectacle n'est autorisé à exploiter une salle que s'il présente uniquement : des pantomimes, arlequinades à cinq personnages ; des scènes comiques et musicales dialoguées à deux ou trois personnages ; de la physique amusante, des escamotages, des fantasmagories, des ombres chinoises et des fantoccini ; des tours de force et d'adresse ; des exhibitions d'objets curieux ; des pas de danse par cinq danseurs au plus ; des chansonnettes par un ou deux exécutants avec ou sans costumes. On est encore très proche des spectacles de la Foire.
Le premier à tourner la difficulté va être Hervé, qui renoue le fil avec la tradition, étant en même temps compositeur, chef d'orchestre, chanteur, décorateur et machiniste. Hervé, de son vrai nom Florimond Rongé (ou Ronger), né en 1825 à Houdain, près d'Arras, est le fils d'un gendarme et d'une Espagnole, d'où – note malicieusement José Bruýr – « l'abondance dans son œuvre de séguedilles et de gendarmes ». Orphelin à dix ans, choriste à l'église Saint-Roch, à Paris, à douze, élève d'Auber à quinze, organiste à Bicêtre à seize – il sera plus tard organiste à Saint-Eustache –, Hervé se défoule en improvisant des spectacles pour les aliénés de l'asile. Cet environnement déteint peut-être légèrement sur ce personnage surdoué et farfelu, qui se dira lui-même l'inventeur d'un genre « loufoque, burlesque, échevelé, endiablé, cocasse, hilare, saugrenu, catapultueux ». Personnage efficace, en tout cas... et c'est lui qui va donner naissance à la vraie opérette, « cette fille qui – note encore José Bruýr –, répudiant une famille piquée de noblesse, retournait, cotillons courts et souliers plats, à ses roturières origines ».
Auteur de pochades « élevant l'insanité à la hauteur d'une institution publique », il débute en 1854 dans une salle du faubourg du Temple, les Folies-Nouvelles. Il élargira sa manière en passant sur les boulevards avec L'Œil crevé (1867), Chilpéric (1868), Le Petit Faust (1869) – parodie du Faust de Gounod –, et Mam'zelle Nitouche (1883).
Les idées sont dans l'air ; en 1855, Offenbach lance : « Je me dis que l'opéra-comique cessait d'être l'opéra-comique ; que la musique vraiment bouffe, fine, spirituelle, que la musique qui vit s'oubliait peu à peu, et que les compositeurs travaillant pour la salle Favart ne faisaient plus que de petits grands opéras. » Il va donc reprendre la Baraque Lacaze au Carré Marigny, y faire... ce que fait Hervé, avec les mêmes contraintes administratives : de petites pièces en un acte à trois ou quatre personnages au maximum, comme Les Deux Aveugles (1855), et aussi farfelues que Oyayaye, ou la Reine des îles. En 1857, aux Bouffes-Parisiens, maintenant installés passage Choiseul, il tourne la difficulté en faisant d'un cinquième personnage, qu'il a eu le front de rajouter dans Croquefer, un guerrier, du nom de Mousse-à-mort, qui a eu la langue coupée au combat et qui aboie son rôle, ce qui met le public en joie.
Offenbach grignotera les règlements jusqu'à ce qu'enfin Napoléon III – conseillé par Morny – libère les théâtres en 1864 ; il donne sa mesure avec les grandes opérettes qui accorderont[...]
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Écrit par
- Sylvie FÉVRIER : licenciée ès lettres françaises, grecques et latines, producteur délégué d'émissions musicales à Radio-France
Classification
Média
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