ORATOIRE DE JÉSUS ou ORATOIRE DE FRANCE
Société de prêtres fondée au xviie siècle par Bérulle et reconstituée au xixe siècle, notamment par Gratry. Né en 1575, Pierre de Bérulle sent très tôt le besoin d'une congrégation de prêtres, dans le milieu mystique qu'il fréquente à Paris et où il est très écouté (vers 1600) ; il sollicite vainement César de Bus, François de Sales et les Oratoriens italiens, fondés par Philippe Néri. Il semble bien que son projet soit original : en 1611, avec cinq autres prêtres, il fonde l'Oratoire de Jésus, approuvé par Paul V en 1613. Les caractéristiques les plus extérieures de la nouvelle société (refus des bénéfices ecclésiastiques, port de la soutane, application à la récitation de l'office, tout cela permettant néanmoins d'exercer des fonctions séculières) expliquent son succès immédiat en France : l'Oratoire réunit très vite des prêtres de grande qualité, théologiens, exégètes, prédicateurs, philosophes, qui furent mêlés aux crises les plus sérieuses du temps, le jansénisme et le quiétisme. Mais les conflits internes de la congrégation en affaiblirent l'influence : sitôt Bérulle mort, la mise à l'écart de Gibieuf annonçait un durcissement de la pensée du fondateur, qui n'envisageait pas la prise en charge de collèges et de séminaires (la bulle de fondation de Paul V, parlant du rôle de l'Oratoire dans l'éducation des prêtres et de ceux qui aspirent aux ordres sacrés, précise bien qu'il s'agit moins de l'acquisition de la science nécessaire que de son usage) ; le généralat de Condren (1629-1641) voit l'Oratoire s'organiser en rival des Jésuites. Sans doute, le supérieur général Sainte-Marthe (1672-1696) exclut-il de l'Oratoire, en 1685, Quesnel et Duguet, qui refusaient de souscrire au formulaire de 1678 ; il reste que, sous le généralat du père de La Tour (1696-1733), l'Oratoire est, dans sa majorité, très gallican et antiromain. Il ne va guère progresser au xviiie siècle et, lors de sa suppression, en 1790, par l'Assemblée nationale, il n'y aura qu'une soixantaine de pères pour protester.
Deux essais de reconstitution furent tentés dans la première moitié du xixe siècle : par Fontanes, en 1806, et par Genoude, en 1839 ; ils échouèrent. Une troisième tentative, menée par Gratry en 1852 et réunissant deux autres prêtres, Pétetot et Valroger, ainsi que trois laïcs, Lescœur, Gambier et Adolphe Perraud, réussit à s'imposer et la congrégation fut reconnue en 1864 par Pie IX comme l'Oratoire de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de Marie Immaculée, héritier de l'ancien Oratoire de France. Des différends se firent jour entre les fondateurs, partisans les uns d'un « atelier d'apologétique » (Gratry), les autres de l'enseignement dans les collèges et les petits séminaires (Pétetot) ; la mise à l'écart de Gratry (qui rappelle celle de Gibieuf) et d'autres circonstances (la dispersion en 1880) retardèrent l'approbation des constitutions jusqu'en 1892 ; en 1903, l'Oratoire fut encore dispersé par les lois contre les congrégations. Il compte aujourd'hui une centaine de prêtres français, responsables de trois collèges, de plusieurs paroisses et centres de retraites spirituelles.
La spiritualité de l'Oratoire français, marquée par la doctrine bérullienne, s'exprime dans cette phrase de Condren : « L'Oratoire veut avoir le Fils de Dieu en partage. » Cette formule n'explique pas seulement le refus des bénéfices et des honneurs par le premier Oratoire, elle est un programme de conduite spirituelle, conforme au souci central de Bérulle : le prêtre doit honorer en Jésus le Prêtre éternel et la source de l'ordre sacerdotal dans l'Église. Les Oratoriens sont appelés à vivre l'état sacerdotal dans sa perfection ; la bulle de fondation (1613) en rappelle la condition[...]
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Écrit par
- Jean-Robert ARMOGATHE : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, sciences religieuses
Classification
Autres références
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BÉRULLE PIERRE DE (1575-1629)
- Écrit par Jean DELUMEAU
- 1 707 mots
Mais Bérulle fut surtout le fondateur del'Oratoire, créé en 1611. Il était en effet très préoccupé par l'état souvent lamentable du clergé séculier en France, à une époque où les séminaires n'existaient encore presque nulle part dans le royaume. Le but du fondateur était simplement de promouvoir une... -
ÉCOLE FRANÇAISE DE SPIRITUALITÉ
- Écrit par Jean-Robert ARMOGATHE
- 786 mots
Il est devenu courant, depuis la parution du tome III de l'Histoire littéraire du sentiment religieux d'Henri Bremond (1925), de parler d'une « école française de spiritualité », aux limites chronologiques et typologiques assez imprécises, mais située au xviie siècle et...
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GIBIEUF GUILLAUME (1580 env.-1650)
- Écrit par Jean-Robert ARMOGATHE
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Oratorien français. Après des études à Paris, Gibieuf entre en 1612 dans la société que Bérulle venait de fonder ; il devient rapidement l'associé étroit du fondateur, qu'il remplace pour gouverner la société pendant ses longues absences en Italie et en Angleterre. À la mort de Bérulle, en 1629, Gibieuf...
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GRATRY ALPHONSE (1805-1872)
- Écrit par Jean-Robert ARMOGATHE
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Oratorien français dont l'influence marqua les milieux catholiques du xixe siècle. Après une crise d'incroyance, Gratry retrouve la foi à vingt ans ; reçu en 1825 à l'École polytechnique, il abandonne ses études scientifiques pour aller, à Strasbourg, étudier la théologie. Accueilli dans le brillant...
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