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ORDINATION DES FEMMES

Au sein du christianisme, l'ordination des femmes n'est un sujet réellement discuté qu'à partir des années 1950. Depuis lors, les Églises protestantes ont souvent adopté cette pratique, non sans provoquer quelques remous ; l'Église catholique continue de la récuser, malgré de sérieux débats internes ; enfin, l'Église orthodoxe ignore toujours la question, sauf dans des marges de sa diaspora. La diversité de ces situations montre que la question est culturelle et doctrinale.

L'androcentrisme, millénaire et universel, assujettissant les femmes aux hommes, s'est effondré en Occident. Le féminisme y a contribué, mais moins que les progrès médicaux (maîtrise de la mortalité postnatale, contraception efficace, longévité inégalée) et l'accès généralisé des femmes au travail salarié dans la société postindustrielle. Par le partage des ressources et des tâches ainsi induit au sein des couples, la société s'est acheminée vers une parité sanctionnée légalement : les femmes obtiennent le droit de vote, peuvent travailler et ouvrir un compte bancaire sans permission maritale, partagent l'autorité parentale, etc.

Ces évolutions sociales ont interrogé la tradition chrétienne : celle-ci exclut-elle les femmes de toute autorité pastorale et doctrinale par simple héritage du passé ou par fidélité au Nouveau Testament ? En ce qui le concerne, Jésus a toujours traité les femmes à l'égal des hommes dans le mariage (Matth. xix, 9-19) et en toute autre condition (la Samaritaine, la femme adultère, etc.). Il les a associées à son ministère (Luc viii, 1-3) et les quatre Évangiles montrent qu'il les a choisies comme premiers témoins de sa résurrection. Certes, aucune femme ne figure parmi les apôtres, mais ce choix – avertissement à tout le peuple (c'est-à-dire aux douze tribus d'Israël), qui sera jugé par les Douze (les douze fils de Jacob, Matth. xix, 28) – aurait perdu son sens symbolique si Jésus y avait inclus une femme ou un samaritain.

Les derniers écrits du Nouveau Testament réactivent l'androcentrisme (cf. I Timothée ii, 2 : « je ne permets pas à la femme d'enseigner ni de dominer l'homme »), sans référence à Jésus, mais mus par le souci missionnaire de gagner en respectabilité dans la culture antique. Sauf au sein de groupes dissidents, l'Église maintiendra cette option : elle n'ordonnera ni les femmes ni les esclaves, à cause de leur sujétion « naturelle » ou accidentelle, un pasteur devant être pleinement libre dans son service.

Kay Goldsworthy, première Australienne évêque - crédits : Paul Kane/ Getty Images news/ AFP

Kay Goldsworthy, première Australienne évêque

Le oui ou le non des Églises à l'ordination des chrétiennes relève moins du dogme que de l'ecclésiologie. Ayant renoncé à la fidélité littérale à la Bible, les grandes Églises protestantes peuvent changer plus vite qu'une Église mondiale : elles prennent leurs décisions à une échelle plus réduite, homogène par la culture, et leurs ministres ne symbolisent pas l'unité autant que des prêtres ou des évêques. Ainsi s'expliquerait, pour une part, les difficultés spécifiques de l'évolution anglicane, de tradition épiscopale.

Pour les catholiques, la question de l'ordination des femmes comme diacres reste ouverte, mais non comme prêtres ou évêques. Depuis la déclaration Inter insigniores de Paul VI, en 1976, puis la lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis, de Jean-Paul II, en 1994, les théologiens ne doivent plus la préconiser. Selon la Congrégation pour la doctrine de la foi, ce dernier texte est un « acte du magistère pontifical ordinaire en soi non infaillible » (1995). Dans le cas contraire, les Églises d'Occident seraient irrémédiablement divisées. Il reste donc important pour les catholiques de réfléchir aux différents arguments du magistère, qui n'ont pas tous le même poids : l'absence de précédent dans la tradition, la « convenance » de la représentation ministérielle[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'Institut catholique de Paris

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