SAINT-MICHEL ORDRE DE
Alors que l'Angleterre avait la Jarretière sous la protection de saint Georges et qu'un vassal français comme le duc de Bourgogne avait la Toison d'or avec saint André, le roi de France n'avait aucun ordre à proposer à ses fidèles les plus proches et les plus méritants. La guerre de Cent Ans attira l'attention sur le Mont-Saint-Michel, qui ne peut être pris par les Anglais ; Jeanne d'Arc vit l'archange saint Michel lui apparaître dès 1424 ; Charles VII eut un étendard rouge semé de soleils d'or, avec saint Michel terrassant le Dragon, lors de son entrée à Paris, en 1437. À son arrivée en France, Louis XI portait ses couleurs blanc et rouge, qui furent prises par tous les courtisans ; son étendard montrera saint Michel sur un champ blanc et rouge.
C'est au château d'Amboise que Louis XI assembla pour la première fois, le 1er août 1469, « les membres de l'ordre et aimable compagnie de monsieur saint Michel » ; les statuts sont du même jour : le roi y rappelle tout d'abord que l'archange fut le premier chevalier, en combattant pour Dieu contre le Dragon, et qu'il avait toujours su garder le Mont des anciens ennemis du royaume ; puis il se déclare chef et souverain des trente-six chevaliers de haute noblesse. Le costume était somptueux avec manteau de damas blanc doublé d'hermine et bordé d'une broderie de coquilles d'or ; le chaperon de velours cramoisi à longue cornette donnait la note rouge pour compléter le blanc et former ainsi les couleurs du roi. Le souverain remettait aux chevaliers et portait lui-même un collier fait de coquilles d'or, attachées par des lacs de même (transformés en cordelière stylisée par François Ier, 1516) ; y était attachée une image de saint Michel terrassant le Dragon (placée dans une médaille au xvie s.). Le siège de l'ordre était théoriquement le Mont-Saint-Michel, mais il semble qu'il n'y eût aucune cérémonie ; dès 1476, le siège était en la chapelle Saint-Michel du palais de Paris puis, en 1557, dans la Sainte-Chapelle du château de Vincennes ; Louis XIV le mit au couvent des Cordeliers de Paris (1661-1665).
Instrument de la politique royale, conféré à des souverains, l'ordre de Saint-Michel fut déjà attribué trop facilement sous François II (1560) ; cette tendance ne fit que se renforcer sous Catherine de Médicis, encore que Charles IX essayât de limiter le nombre des chevaliers à cinquante (3 avr. 1565). Montaigne écrira quelques lignes désabusées sur l'ordre qu'il ambitionna et reçut. Henri III, créant l'ordre du Saint-Esprit en 1578, relégua Saint-Michel au second rang. Pour pallier cette prolifération, Louis XIV, onzième chef et souverain grand maître, refondit les statuts (règlement du 14 juill. 1661, ordonnances des 12 janv. et 9 sept. 1665) et Louis XV y ajouta un règlement (ordonnance du 25 avr. 1728) : l'ordre avait cent chevaliers (dès 1665) ayant trente ans et pouvant prouver une noblesse héréditaire depuis leur grand-père. Conféré surtout à des militaires, l'ordre fut progressivement envahi de civils depuis la création de Saint-Louis (1693). Les artistes, docteurs et savants nommés, qui n'étaient souvent que bourgeois, étaient alors anoblis, avec dispense des degrés de noblesse.
Aboli comme tous les ordres royaux nécessitant la noblesse (décret promulgué par l'Assemblée nationale constituante du 30 juill. 1791, loi du 6 août et confirmation par préambule de la Constitution du 3 sept. suivant), Saint-Michel fut donné à peu de gens par Louis XVIII exilé. Celui-ci réorganisa l'ordre qu'il fit dépendre du ministre de sa Maison (ordonnance du 16 nov. 1816). L'ordre est « spécialement destiné à servir de récompense et d'encouragement à ceux de nos sujets qui se seront distingués dans les lettres, les sciences et les arts, ou par des découvertes,[...]
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Écrit par
- Hervé PINOTEAU : vice-président de l'Académie internationale d'héraldique
Classification
Média