DORIQUE ORDRE
À l'issue de la période de mutation que constitue le viie siècle, l'architecture grecque retrouve le caractère monumental qu'elle avait perdu depuis l'époque mycénienne : dans les sanctuaires, de grands bâtiments en pierre remplacent les édifices fragiles de l’époque géométrique. Changement de matériaux et codification des formes vont de pair : aux expériences parfois hasardeuses du viie siècle succède une période de décantation où se mettent en place les deux ordres, ionique et dorique, qui vont constituer les deux modes de l'architecture grecque pendant le reste de son histoire.
Les débuts de l'ordre dorique sont mieux connus que ceux de l'ordre ionique, par suite de quelques heureux hasards archéologiques qui permettent de suivre les étapes de sa formation dans les régions continentales et occidentales du monde grec (Péloponnèse, Grèce centrale, Corfou, Italie du Sud et Sicile). Le rôle de Corinthe et d'Argos dans cette phase d'élaboration semble avoir été considérable : les premiers bâtiments où apparaissent des éléments doriques, à Thermos, Olympie et Corfou, sont tous situés dans des régions soumises à l'influence politique et artistique de ces deux centres majeurs du haut archaïsme.
Le plan du temple dorique dérive du plan en mégaron attesté en Grèce continentale depuis le IVe millénaire, mais il s'en écarte par l'adjonction, à l'arrière de la pièce centrale (naos ou cella) où est exposée la statue de culte, d'un opisthodome. Parfois, cet espace est clos et communique seulement avec la cella,constituant alors une chambre fermée (adyton) qui sert de sacristie (Corfou : temple d'Artémis ; Syracuse : temple d'Apollon ; Sélinonte : temples C, D et F ; Paestum : temple de l'Héraion du Silaris et temple d'Héra I). Plus fréquemment, surtout en Grèce même, au lieu de communiquer avec la cella, il forme un vestibule arrière où sont souvent exposées des offrandes précieuses — disposition qui s'impose dans le courant du vie siècle, avec l'adoption de la colonnade périptère : dès lors que l'arrière n'est plus rythmé par l'abside, la duplication du porche d'entrée permet de lui redonner forme et d'équilibrer le temple, le dotant de deux façades symétriques.
Quant à l'élévation de l'ordre dorique, elle est l'héritage direct de l'architecture de bois, comme le montrent le temple C de Thermos (dernier quart du viie s.) et surtout le temple d'Héra à Olympie (vers 600 av. J.-C.), où l'on peut saisir en cours le processus de « pétrification ». L'usage de la pierre y reste limité au soubassement (Thermos) et au bas des murs (Olympie) ; les colonnes sont encore en bois et ne seront remplacées que progressivement par des colonnes en pierre : au iie siècle après J.-C., Pausanias en verra encore une en chêne dans l'opisthodome du temple d’Olympie. Ce sont des troncs trapus sans base, animés par des cannelures verticales à arêtes vives, cerclés de métal à leur sommet. Un chapiteau en galette, au profil courbe très évasé, marque la transition avec l'entablement : l'architrave, faite de poutres de bois massives et nues, forme le cadre horizontal sur lequel reposent les poutres transversales de la charpente, dont les extrémités sont protégées de l'humidité par des plaques de terre cuite, métopes et triglyphes, dont l'alternance rythme la frise dorique. Quant au larmier, qui fait surplomb pour éloigner les eaux ruisselant sur le toit, il est aussi protégé par des plaques de terre cuite clouées en dessous et sur la tranche verticale. Tous ces éléments de l'élévation dorique, qui ont un caractère strictement fonctionnel dans cette architecture de bois, vont se trouver transposés dans la pierre, où certains (les annelets, la regula et les gouttes, la frise et les mutules du larmier)[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Médias
Autres références
-
ABAQUE, architecture
- Écrit par Alain MAHUZIER
- 308 mots
Le terme d'abaque désigne, dans sa première acception, une table à calculer. Déjà connu des Égyptiens, perfectionné par les Romains qui en firent un boulier portatif, l'abaque servait à faire les diverses opérations de calcul.
Au sens architectural du terme, l'abaque désigne...
-
ACROPOLE D'ATHÈNES
- Écrit par Bernard HOLTZMANN
- 8 215 mots
- 9 médias
...reprend forme pour nous. Sur le plateau sacré, toujours ceint de la muraille mycénienne, se dresse à la fin du viie siècle avant J.-C. un grand temple dorique, dont les fondations sont visibles entre l'Érechthéion et le Parthénonii). Le plan qu'on y lit est singulier : au lieu de la longue chambre... -
AGRIGENTE
- Écrit par Michel GRAS
- 2 116 mots
- 8 médias
...conventionnels (certains préfèrent d'ailleurs les baptiser par des lettres, ce qui est plus honnête lorsqu'on ne sait rien sur le culte qui y était pratiqué). Tous ces monuments appartiennent à l'ordredorique. Les six grands temples de calcaire jaune (autrefois recouverts de stuc blanc) sont, d'est en ouest : -
ANTE, architecture
- Écrit par Martine Hélène FOURMONT
- 293 mots
Terme qui désigne dans un édifice antique le renforcement de l'extrémité d'un mur. L'ante est généralement agrémentée d'un pilastre surmonté d'un chapiteau, pour être harmonisée avec les colonnes voisines. Cette structure est d'origine dorique mais elle s'étendra à l'ordre...
- Afficher les 15 références