IONIQUE ORDRE
Plutôt qu'un ordre, l'ionique est un style : on n'y retrouve guère la rigueur normative de l'ordre dorique, la codification des formes y est beaucoup moins marquée et les variantes géographiques sont considérables. Entre l'ionique des Cyclades, qui se plaît aux petits bâtiments parés de moulures ciselées, et celui de la côte d'Asie Mineure, où l'influence de l'Orient se manifeste par des temples colossaux à double colonnade et décor de reliefs abondant, le dénominateur commun est surtout un même état d'esprit : le goût pour la sveltesse des formes et pour l'ornementation, où la fantaisie inventive de l'architecte peut se donner libre cours. À tous les niveaux de l'élévation – base, chapiteau, pied et sommet des murs, frise – le décor peut être plus ou moins développé ; des moulurations secondaires – souvent ténues – peuvent également s'intercaler pour souligner les lignes ou rythmer les surfaces. Cet ordre si souple, le malheur veut qu'on en connaisse bien mal les dialectes : dans les Cyclades, les bâtiments ont tous presque complètement disparu et c'est seulement depuis peu que se précise, grâce à des recherches archéologiques très minutieuses, à Naxos surtout, l'image de cette architecture simple mais raffinée ; sur la côte asiatique et dans les îles qui lui font face, les grands temples archaïques ont été détruits dès l'Antiquité et l'on connaît surtout leurs imposants successeurs de l'époque hellénistique. C'est là pourtant que l'ordre ionique semble avoir pris forme.
Les chapiteaux éoliques à volute verticale d'Asie Mineure sont contemporains des premiers chapiteaux ioniques à volute horizontale ; cette variante, qui a subsisté en Éolide à titre de provincialisme, est directement dérivée de l'Orient : on trouve au viiie et au viie siècle des chapiteaux très voisins en Palestine, en Phénicie et en Assyrie. Élégant mais frêle, ce type de chapiteau ne pouvait supporter qu'un entablement léger ; aussi est-ce le chapiteau à volutes horizontales, plus fonctionnel, que l'on trouve dans les grands temples construits entre 570 et 550 avant J.-C. Avec leurs dimensions colossales pour la Grèce, leurs hautes colonnades doubles et leur décor sculpté qui haussent d'un coup l'architecture grecque au niveau des réalisations orientales, ces bâtiments fastueux n'étaient à la portée que des plus grandes cités commerçantes, alors à leur apogée : l'Olympieion d'Athènes, entrepris à leur exemple par les fils du tyran Pisistrate, restera inachevé jusqu'à Hadrien. En fait, la Grèce insulaire et continentale se montrera toujours réfractaire à cette architecture quelque peu exotique ; seules les grandes cités coloniales de l'Occident grec (Sélinonte : temple G) seront tentées de relever le défi pour affirmer leur réussite.
Cette première floraison ionique, si manifestement orientalisante, est brutalement interrompue par les vicissitudes de la fin du vie siècle : les grandes cités de la côte, révoltées contre la Perse, sont saccagées ou ruinées. Le hiatus presque complet qui s'ensuit n'est que très imparfaitement comblé par les quelques bâtiments ioniques du ve siècle étudiés en Occident (Syracuse, Locres, Métaponte, Catane, Hipponion, Élée). En fait, l'ordre ionique ne réapparaît avec éclat qu’à Athènes, après Périclès : après les premières tentatives de mélange des ordres (au Parthénon et aux Propylées, où l'ordre ionique, plus élancé, est adopté pour les supports intérieurs — formule promise à un grand avenir), Athènes, aux prises avec la coalition menée par Sparte (432-404), fait retour aux sources ; l'ordre ionique triomphe avec le temple d'Athéna Nikè et l'Érechtheion. Mais c'est celui des Cyclades, modeste[...]
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Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
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Médias
Autres références
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