ORDRES, architecture
Le Moyen Âge
L'architecture du Moyen Âge est par définition étrangère à la notion antique des ordres architecturaux. Cependant, certains éléments de l'ordre corinthien en particulier subsistent, dissociés ou transposés, jusqu'à l'époque romane, avant de s'effacer jusqu'à la fin de l'époque gothique devant un nouveau système architectural, système basé sur la pile composée, articulée en fonction des diverses retombées qu'elle reçoit, et sur la travée, matérialisée verticalement par des colonnes engagées montant de fond jusqu'au sommet de la paroi.
Le haut Moyen Âge
Les remplois de colonnes antiques
Dès les débuts de l'architecture chrétienne, la notion d'ordre architectural, au sens antique du terme, disparaît. Les files de colonnes des basiliques du ive ou du ve siècle, à Rome même, sont souvent constituées de remplois provenant de monuments antiques, remplois constitués dans le meilleur des cas – à Sainte-Sabine par exemple – d'ensembles homogènes de bases, de colonnes et de chapiteaux, mais le plus souvent formés d'éléments hétéroclites : la juxtaposition, dans une même file de colonnes, de chapiteaux ioniques, composites et corinthiens, de fûts de diamètre, de hauteur et de types variés (cannelés, torses ou lisses) ne semble guère avoir troublé les architectes. Plus encore, il semble que cette diversité d'abord liée à la difficulté de trouver des marbres en nombre suffisant devienne, à partir de l'époque carolingienne surtout, un véritable goût, les basiliques italiennes en particulier devenant de véritables « musées » d'art antique. Il en est encore ainsi au xie siècle à Santa Eufemia de Spolète où, dans un édifice du premier art roman méridional, des fragments divers de marbres sculptés romains servent de supports.
Cette habitude du remploi devait, dès l'époque paléochrétienne, avoir de nombreuses conséquences sur les rapports entre les supports et le reste du monument : dans les files de colonnes faites de pièces d'inégales dimensions, l'idée de compenser les dénivellations ainsi créées par un bloc (coussin) de pierre de dimensions variables, placé entre le chapiteau et les maçonneries qu'il reçoit, se généralise. Parallèlement, l'architrave tend à disparaître au profit des arcs, dont les retombées peuvent s'adapter à de légères variations de hauteur des supports. Dès le vie siècle, la formule médiévale du chapiteau surmonté d'un tailloir-imposte recevant un arc est constituée.
La survivance du chapiteau corinthien
Ainsi le système architectural s'est-il fondamentalement transformé. Le Moyen Âge demeurera profondément étranger à la notion même d'ordre architectural, et il peut donc sembler paradoxal de rapprocher les deux termes. Cependant, si la cohérence interne des ordres antiques n'est pas conservée, beaucoup d'éléments épars survivent au moins jusqu'à l'époque romane et jouent parfois un rôle important dans la définition de l'architecture médiévale et de son décor.
Le plus évident, parmi ces éléments, est certainement le chapiteau corinthien. En effet, tandis que le chapiteau ionique est presque abandonné, le chapiteau corinthien demeure la base du décor monumental pendant tout le haut Moyen Âge ; il constitue souvent un modèle de référence à l'époque romane et connaît diverses renaissances alternant avec des phases de dégénérescence. Ce chapiteau, reproduisant la croissance organique du monde végétal est en effet perpétuellement menacé par des tendances au schématisme et parfois même à l'abstraction, et son histoire, jusqu'à l'époque romane, peut se résumer dans ce conflit.
Pendant le haut Moyen Âge surtout, l'expression de la croissance végétale est souvent oubliée par la simplification et l'altération[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
- Claude MIGNOT : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Éliane VERGNOLLE : maître assistant en histoire de l'art médiéval, université de Paris-IV- Sorbonne
Classification
Médias
Autres références
-
ALBERTI LEON BATTISTA (1404-1472)
- Écrit par Frédérique LEMERLE
- 3 110 mots
- 8 médias
Le De re aedificatoria est aussi le premier texte moderne à parler clairement des ordres d'architecture. La notion d'ordre n'est pas encore bien précise pour l'humaniste ; certes, il traite successivement des bases, des chapiteaux et des entablements de chaque ordre, mais les formes décrites sont assez... -
ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Notions essentielles
- Écrit par Antoine PICON
- 4 952 mots
...l'univers tout entier se trouvait réglé. Correspondances anthropomorphiques et proportions trouvaient leur expression la plus achevée dans le système des ordres d'architecture hérité de l'Antiquité gréco-romaine. Par leurs détails ainsi que par les rapports de proportionnalité unissant leurs différentes... -
BLONDEL JACQUES-FRANÇOIS (1705-1774)
- Écrit par Michel GALLET
- 3 057 mots
...chez l'ingénieur Amédée Frézier, le carme vénitien Lodoli, le jésuite Marc-Antoine Laugier. La valeur universelle accordée par l'âge humaniste aux ordres gréco-romains pouvait être contestée. Ce langage architectural ignorait la variété des climats et des matériaux, l'évolution des sociétés ; consacré... -
BULLANT JEAN (1520 env.-1578)
- Écrit par Yves PAUWELS
- 954 mots
- 1 média
À la Renaissance, Jean Bullant est, avec Philibert Delorme et Pierre Lescot, le troisième acteur de l'introduction en France des formes classiques. Issu d'une famille de maçons, il se forma au langage de l'architecture à l'antique grâce à la lecture du Quarto Libro...
- Afficher les 24 références