ORGANISATION, économie
L’analyse économique des organisations a rattrapé depuis les années 1980 son retard initial sur les approches sociologiques ou managériales. Non sans difficultés, car le concept même d’organisation donne lieu à des interprétations divergentes. La conception traditionnelle, en économie, identifie l’organisation à des ensembles structurés, où les droits de décision sont unifiés, permettant aux agents de coordonner leurs actions en vue d’objectifs spécifiques. L’exemple typique est celui de l’entreprise, mais le terme recouvre plus généralement toutes les « organisations formelles » (l'expression est de Chester Barnard, The Functions of the Executive, 1938), telles que les universités, hôpitaux, etc., où il existe un centre unifié de décision en dernier ressort. Des développements récents ont cependant fait apparaître la diversité des modes d’organisations en économie de marché, ce qui conduit à utiliser le concept d’organisation dans un sens plus extensif, de manière à englober les formes alternatives d’arrangement des transactions, notamment les marchés et les formes dites « hybrides », par exemple les alliances stratégiques. Enfin, une approche beaucoup plus large, jadis suggérée par Kenneth Arrow (1974) et reprise par nombre d’auteurs, en particulier ceux qui se réclament de la sociologie économique dans la tradition de Max Weber, entend par « organisation » l’ensemble de l’organisation sociale, ce que Lance Davis et Douglass North (Institutional Change and American EconomicGrowth, 1971) ont préféré, à juste titre selon nous, identifier comme l’environnement institutionnel. On s’en tient dans ce qui suit à la première approche, centrée sur les « organisations formelles ».
Coûts de transaction, incitations, compétences
On ne dispose pas, en l’état actuel de la recherche, de théorie unifiée et incontestable des organisations formelles. La théorie des coûts de transaction, inspirée de Ronald Coase (« The Nature of the Firm », 1937) et développée par Oliver Williamson (The Mechanisms of Governance, 1996), tend à prédominer. Elle s’est imposée autour de trois questions principales. La première concerne l’explication de l’existence des organisations, que l’analyse économique standard n’arrivait pas à justifier de façon satisfaisante, se contentant d’invoquer des déterminants essentiellement technologiques. Dans la lignée de Coase, on a pu établir que dans un univers où les transactions entraînent des coûts, le marché n’est pas toujours la solution la plus efficace ; des solutions alternatives, par exemple l’entreprise, peuvent dans certaines conditions se révéler plus avantageuses. La deuxième question éclairée par l’approche transactionnelle découle de ce qui précède : s’il existe des solutions alternatives, laquelle choisir ? L’analyse des déterminants des « coûts de transaction » fournit des outils pour comprendre ces arbitrages. Enfin, une troisième question conduit à ouvrir la « boîte noire » que fut longtemps l’entreprise pour la théorie économique : quelles caractéristiques internes à l’organisation formelle peuvent expliquer ces différentiels de coûts par rapport au marché, et donc permettre de comprendre pourquoi la solution « entreprise » peut souvent être supérieure à celle du recours au « marché » dans l’organisation des transactions.
Une autre approche, la théorie de l’agence, suppose implicitement acquis le résultat dérivé de Coase puisqu’elle postule l’existence des organisations. La question centrale, formulée par Michael Jensen et William Meckling (1976), devient alors celle des incitations que l’organisation doit mettre en place pour amener les « agents » à prendre des décisions et à entreprendre des actions conformes aux intérêts du « principal », le détenteur ultime des droits de propriété[...]
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Écrit par
- Claude MÉNARD : professeur de sciences économiques à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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