ORGANISATION SOCIALE
L'idée est ancienne : la société humaine fonctionne non comme une machine ou un automate composé de pièces mécaniques, mais comme un corps organisé ou, plus généralement, comme une « organisation ». L'analogie, cependant, serait trompeuse, et conduirait aux métaphores de l'organisme, si ethnologues et sociologues n'élaboraient des instruments d'analyse pour leur usage spécifique. C'est ainsi que selon Durkheim, la variété des types de société s'explique par la différenciation sociale, ou division du travail social : l'histoire manifeste la prépondérance progressive de la solidarité organique sur la solidarité mécanique. Pour Radcliffe-Brown, au contraire, et surtout pour Murdock, plus statisticien, c'est non par l'analyse théorique, mais par l'étude ethnographique ou l'investigation empirique dans l'univers des cultures qu'il faut rechercher quels sont les principes de l'organisation sociale. La combinaison de déterminants, si nombreux soient-ils, ne suffit pas, toutefois, à expliquer le fonctionnement des sociétés : c'est ainsi que règles de résidence et règles d'alliance, qui contribuent à déterminer l'organisation sociale, ne fonctionnent pas de la même manière dans toutes les sociétés. Certains traits culturels, en outre, n'ont pas de fonction apparente ; d'autres, au contraire, fonctionnent comme des substituts. Reconnaître le caractère organisé d'une société ne signifie donc nullement que toutes les institutions, dans cette société, sont adaptées à leur fonction, mais simplement que les groupes et les sous-groupes dont toute société se compose « fonctionnent », qu'ils sont le lieu de processus réguliers et le sujet d'activités orientées. L'organisation sociale est à comprendre, dès lors, comme un agencement déterminé du système social en sous-systèmes, qui manifeste les affinités structurales plus ou moins grandes existant entre ces sous-systèmes. L'analyse est ainsi à mener en trois temps : elle doit consister à dégager des principes, à distinguer des niveaux, et à manifester un fonctionnement.
Principes de l'organisation sociale
Comment une collection d'individus peut-elle constituer une société ? À cette question, source de la théorie de l'organisation sociale, Durkheim répond par la distinction entre deux formes de solidarité (De la division du travail social).
Les deux formes de solidarité
La première, qu'il appelle mécanique, est une solidarité par similitude. Quand elle prédomine dans une société, les individus diffèrent peu les uns des autres. Ils éprouvent les mêmes sentiments, servent les mêmes valeurs, révèrent le même monde sacré. La forme opposée de solidarité, que Durkheim nomme organique, est celle par laquelle les individus, non plus semblables mais différents, remplissent chacun une fonction propre, et sont de ce fait, comme les organes d'un être vivant, également nécessaires au fonctionnement de la totalité. Les tribus australiennes et l'Angleterre contemporaine offrent l'exemple de formes d'organisation sociale extrêmes, caractérisées par la prédominance de la solidarité mécanique dans un cas, de la solidarité organique, dans l'autre. Cette opposition entre deux formes de solidarité se conjugue, toujours selon Durkheim, avec l'opposition entre deux types de société. Les sociétés du premier type, qu'il nomme segmentaires, sont composées d'individus liés les uns aux autres par une solidarité mécanique, et forment des groupes locaux séparés capables de mener chacun une vie autonome. Les sociétés du second type, qui sont différenciées, sont composées d'individus liés les uns aux autres par solidarité organique, et forment des collectivités fondées sur la division du travail. Une structure segmentaire, il est vrai, peut subsister dans une société différenciée : c'est[...]
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Écrit par
- Jean CUISENIER : conservateur en chef du musée des Arts et Traditions populaires, directeur de recherche au C.N.R.S.
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