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ORIGÈNE (185-253/54) & ORIGÉNISME

L'origénisme

L'origénisme en Orient aux IIIe et IVe siècles

Au iiie siècle, beaucoup de penseurs chrétiens, à Alexandrie et à Césarée, se situent dans la tradition d'Origène (Denys d'Alexandrie, Théognoste, Grégoire le Thaumaturge, Pamphile), tandis qu'en revanche une forte réaction, notamment contre la théorie origénienne de la préexistence des âmes, commence à se dessiner, surtout à Antioche.

Au ive siècle, la théologie trinitaire origéniste, soutenue en particulier par Eusèbe de Césarée, sera suspectée d'arianisme par les partisans de la consubstantialité entre le Père et le Fils proclamée au concile de Nicée. Sur ce point, l'enseignement d'Origène sera rapidement dépassé par l'évolution du dogme, et les plus fervents origénistes l'abandonneront. Mais l'œuvre exégétique du maître resta extraordinairement vivante ; elle fut abondamment utilisée par Eusèbe de Césarée, Didyme d'Alexandrie et les Cappadociens : Grégoire de Nazianze, Basile de Césarée et Grégoire de Nysse.

Surtout la cosmologie du traité Sur les principes est loin d'avoir été oubliée. Dans certains milieux monastiques égyptiens, à Nitrie et aux Cellules entre autres, elle est encore en honneur aux environs de 374. À Jérusalem, au monastère du mont des Oliviers, fondé par Mélanie l'Ancienne et Rufin, on ne cache pas l'enthousiasme qu'on éprouve pour l'ensemble de cette œuvre. C'est en contact avec ces milieux favorables à Origène que va se développer la pensée d'Évagre le Pontique (346-399), qui représente indiscutablement une véritable renaissance de l'origénisme. Contre ces tendances se manifestera d'ailleurs une réaction violente de la part d'Épiphane de Salamine (chap. lxiv de son Panarion composé en 374-377), de la part aussi de Jérôme, notamment dans son traité Contre Jean de Jérusalem (396), enfin de la part de Théophile d'Alexandrie, dans ses « lettres festales » de 400-404. Comme l'a bien montré A. Guillaumont, les thèses visées dans ces différents documents sont bien celles d'Évagre le Pontique, dont il est tout à fait intéressant de présenter brièvement la doctrine, pour exposer la manière dont la pensée origénienne a été systématisée par le disciple.

Évagre le Pontique

L'œuvre dans laquelle s'exprime le plus clairement l'origénisme d'Évagre, ses Centuries gnostiques, ne nous est pas parvenue en grec. A. Guillaumont en a découvert une version syriaque intégrale, non expurgée des passages origénisants, et il a pu ainsi reconstruire les grandes thèses origénistes d'Évagre.

La première création ne comprend qu'un monde spirituel d' intelligences que Dieu – Trinité et unité – a produites afin d'être connu par elles. Ces intelligences, unies au Verbe de Dieu, sont toutes égales entre elles et forment une unité parfaite. La rupture de cette unité se produit par la faute des intelligences : elles se lassent, relâchent leur contemplation. C'est le « premier mouvement » qui sépare les intelligences, non seulement de l'unité originelle, mais aussi les unes des autres. Seul de tous, le Christ, intellect originellement égal aux autres, n'a pas relâché sa contemplation et est resté uni au Verbe divin, sans se laisser entraîner par le mouvement premier.

La seconde création, celle des mondes matériels, est l'œuvre du Christ. Elle est destinée à fournir aux êtres spirituels déchus un moyen de salut. Les esprits deviennent des anges, des démons, des âmes humaines : ils reçoivent, en vertu d'un premier jugement, des corps qui correspondent à leur degré de chute, c'est-à-dire à leur capacité de connaissance. Aux différents degrés de contemplation correspondent des états corporels différents. Le salut des intelligences se fait en passant d'une contemplation à une[...]

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