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ORIGINE DE LA VIE : L'HYPOTHÈSE OPARINE-HALDANE

Au début du xxe siècle, la réflexion scientifique sur les origines de la vie est orientée vers l’hypothèse d’une évolution progressive de la matière inerte produisant des structures vivantes préfigurant les cellules et sujettes à l’évolution biologique. Les premières propositions allant dans ce sens avaient été formulées durant la deuxième partie du siècle précédent, mais souvent de manière succincte. Il en allait ainsi des idées de Charles Darwin, qui proposait, en 1871, dans une lettre à son ami le botaniste Joseph Dalton Hooker (1817-1911) que, dans une mare chaude, à partir de sels phosphoriques et ammoniacaux exposés à de la lumière, de la chaleur et de l’électricité, il a pu se former des composés protéiques, qui aujourd’hui seraient consommés par les organismes existants. Autre exemple, vers la même époque, le biologiste allemand Ernst Haeckel (1834-1919) concevait que ce qu’il appelait des « monères », formes de vie les plus simples, pouvaient êtreles intermédiaires originels entre l’inerte et le vivant.Au-delà de l’idée qu’une telle quête des origines était possible, ces diverses propositions restaient vagues, mais indissociables de toute réflexion globale sur l’évolution du vivant. Alexandre Oparine et J. B. S. Haldane sont parmi les premiers à qui revient le mérite d’avoir tenté de préciser le scénario et les conditions de possibilité de l’origine de la vie sur la Terre.

Oparine et l’émergence des sciences de l’origine de la vie

Alexandre Oparine - crédits : Sputnik/ AKG-images

Alexandre Oparine

L’année 1924 marque une rupture dans la réflexion sur les origines de la vie avec la publication à Moscou du petit livre d’une quarantaine de pages du biochimiste soviétique Alexandre Ivanovitch Oparine (1894-1980) Proiskhozhdenie zhizni (« L’Origine de la vie »), qui reprend une conférence qu’il a donnée deux ans auparavant devant la Société botanique de Moscou.

Après avoir rappelé successivement, pour mieux les rejeter, la théorie de la génération spontanée et celle de la panspermie, qui envisage un ensemencement de la Terre par des germes venus de l’espace, le jeune biologiste, déjà spécialiste de la biochimie des végétaux, propose une réflexion sur les caractéristiques du vivant dans une partie intitulée « Le monde du vivant et le monde de la mort ». Il la conclut par cette affirmation : « La vie n’est pas caractérisée par des propriétés spéciales, mais par une combinaison précise et spécifique de ces propriétés. » Le processus de l’origine de la vie est ensuite présenté dans deux parties : « Des éléments non combinés aux composés organiques », puis « De la substance organique à l’être vivant ». Ce texte de 1924 lance la réflexion du chercheur soviétique, qu’il déploiera tout au long de sa vie.

Le processus proposé par Oparine commence par une description de la formation de la Terre alors qu'elle était un énorme nuage de gaz incandescent. Il explique comment, lors de son refroidissement, les éléments chimiques se sont progressivement organisés en différentes couches. Les métaux lourds, principalement le fer, composaient le premier noyau de la Terre, le carbone pouvant être présent dans ce noyau en association avec le fer. Bien que soulignant le caractère hypothétique de ces affirmations, il accorde cependant une place centrale aux données spectrographiques qui renseignent sur la composition des planètes en fonction de leur âge. Selon lui, des combinaisons entre les éléments libres ont eu lieu lorsque la Terre, en se refroidissant, est devenue une étoile rouge. Les carbures (composés de carbone et de métaux lourds, notamment le carbure de fer) sont les plus thermostables et ont donc probablement été les premiers à se former sur la Terre. Plus tard, le refroidissement progressif de la planète a conduit à la contraction du matériau et a produit l'éruption de carbures de métaux dans l'atmosphère très riche en[...]

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Écrit par

  • : professeur d'épistémologie et d'histoire des sciences, Centre François Viète, Nantes université

Classification

Médias

Alexandre Oparine - crédits : Sputnik/ AKG-images

Alexandre Oparine

John Burdon Sanderson Haldane - crédits : Mirrorpix/ Getty Images

John Burdon Sanderson Haldane