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ORIGINE DE LA VIE : L'HYPOTHÈSE OPARINE-HALDANE

Deux scénarios différents pour l’origine de cellules vivantes

Si le cadre du processus est donc le même dans les deux formulations, ces dernières se distinguent cependant par des aspects tout à fait notables quant aux mécanismes proposés. Oparine, pour sa part, conçoit que les molécules organiques présentes dans l’océan primitif s’agglomèrent pour former des petits « morceaux de gel ». Ceux-ci croissent par incorporation de la matière organique avoisinante et, lorsqu’ils atteignent une taille suffisante, ils assimilent des globules plus petits. Quant à Haldane – dont le texte est plus empreint de biologie contemporaine –, après s’être interrogé longuement sur la possibilité que les premiers êtres aient pu être des virus – idée qu’il abandonne puisque ceux-ci sont dépendants des cellules grâce auxquelles ils réalisent leurs cycles –, il affirme que les molécules organiques apparues, se trouvant en solution dans le milieu liquide primordial, ont pu s’associer pour former des structures plus grandes de plus en plus complexes qu’il qualifie de « molécules semi-vivantes ». Oparine et Haldane ne donnent donc pas le même terme aux processus qu’ils décrivent : le premier imagine ces corps gélatineux qui préfigurent les cellules et dont on attend, à terme, qu’ils se transforment en ces dernières ; Haldane, lui, place les processus vitaux à une échelle inférieure, celle de molécules, « semi-vivantes », qui seront ultérieurement rassemblées dans les cellules.

Au-delà de cette divergence entre les aspects chimiques et mécanistiques de leurs propos respectifs, il convient de souligner qu’Oparine se montre plein d’espoir quant aux progrès en cours : « Une armée entière de biologistes étudie la structure et l'organisation de la matière vivante, tandis qu'un nombre non moins important de physiciens et de chimistes nous révèlent chaque jour de nouvelles propriétés des choses mortes. Tels deux groupes d'ouvriers travaillant aux deux extrémités opposées d'un tunnel, ils poursuivent les mêmes objectifs. » Il conclut en affirmant que « le travail a déjà beaucoup progressé et très bientôt les dernières barrières entre le vivant et la mort s'effondreront sous l'assaut d'un travail patient et de la pensée scientifique puissante ». Quant à Haldane, il conclut en soulignant la spécificité épistémologique de l’origine de la vie sur la Terre et affirme qu’il s’agit d’« un problème historique ». C’est bien d’ailleurs ce qui en fait, encore aujourd’hui, toute la difficulté.

Si les deux scientifiques sont souvent associés dans cet épisode notable de l’histoire de l’étude des origines de la vie, ils n’accordèrent pourtant pas le même intérêt à ce thème au cours de leur carrière. En effet, Haldane délaisse le sujet pour n’y revenir que dans quelques conférences et articles, alors qu’Oparine y consacre une part importante de ses travaux ultérieurs – sans cependant cesser d’étudier l’enzymologie des plantes – et reste l’une des figures marquantes du domaine de l’origine de la vie du milieu du xxe siècle. Ainsi, en 1936, le Soviétique publie un ouvrage, L’Origine de la vie, traduit en anglais en 1938. Sa théorie y est enrichie de nombreuses données et révisée. Il introduit la notion de coacervat, développée expérimentalement au début des années 1930 par le Belge Hendrik Bungenberg de Jong (1893-1977), et s’appuie sur ces agglomérats microscopiques de matière organique pour modéliser l’étape conduisant aux cellules primitives. Son scénario sera cité par les pionniers de la chimie prébiotique dès le début des années 1950, notamment Harold Urey (1893-1981) et Stanley Miller (1930-2007) qui, comme lui, prônèrent une atmosphère primitive réductrice.

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Écrit par

  • : professeur d'épistémologie et d'histoire des sciences, Centre François Viète, Nantes université

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Médias

Alexandre Oparine - crédits : Sputnik/ AKG-images

Alexandre Oparine

John Burdon Sanderson Haldane - crédits : Mirrorpix/ Getty Images

John Burdon Sanderson Haldane