- 1. Les indices géologiques
- 2. L'eau et l'environnement de la Terre primitive
- 3. Une vie primitive minérale
- 4. Une vie primitive organique et asymétrique
- 5. L'origine de l'homochiralité
- 6. Les ingrédients d'une soupe primitive organique
- 7. Des molécules organiques d'origine extraterrestre ?
- 8. Une vie primitive cellulaire
- 9. Une vie primitive autocatalytique
- 10. Réactions autocatalytiques sur des surfaces minérales
- 11. Bibliographie
ORIGINE DE LA VIE
Les ingrédients d'une soupe primitive organique
Dès 1924, Alexandre Oparin suggéra que les molécules organiques réduites utilisées par les premiers systèmes vivants furent fabriquées dans l'atmosphère primitive à partir de méthane, CH4, une forme réduite du carbone. L'hypothèse d'Oparin se trouva confortée trente ans plus tard par l'expérience remarquable de Stanley Miller qui obtint quatre acides aminés protéiques en soumettant un mélange gazeux de méthane, d'hydrogène, d'ammoniac et d'eau à des décharges électriques. Il identifia également l'acide cyanhydrique (HCN) et le formaldéhyde (HCHO), deux constituants qui permettent d'accéder à la plupart des molécules élémentaires du vivant contemporain dans des conditions simples. Mais quelle confiance accorder à une atmosphère dominée par le méthane alors que les atmosphères de Vénus et de Mars sont dominées par le dioxyde de carbone ? Les géochimistes privilégient aujourd'hui l'hypothèse d'une atmosphère primitive de la Terre riche en dioxyde de carbone. Lorsque l'on refait l'expérience de Miller en remplaçant progressivement le méthane par du dioxyde de carbone, la fabrication des acides aminés devient de plus en plus faible.
Pour Günter Wächtershäuser (1994), les molécules organiques primordiales se forment par réduction du dioxyde de carbone atmosphérique grâce à la réaction de l' hydrogène sulfuré (H2S) sur le sulfure de fer (FeS). Cette réaction produit également de la pyrite (FeS2), capable d'adsorber les molécules organiques formées. En laboratoire, le sulfure de fer, l'hydrogène sulfuré et le dioxyde de carbone réagissent en milieu anaérobie pour donner de l'hydrogène et une variété de mercaptans, dont le méthanethiol. Le méthanethiol et l'acide acétique se forment également à partir de monoxyde de carbone, d'hydrogène sulfuré, de sulfures de fer et de nickel, et de quantités catalytiques de sélénium. Dans certaines conditions, il se forme également des thioesters, qui ont pu constituer, selon Christian de Duve (1991), la principale source énergétique d'un monde primitif de thioesters.
Les molécules organiques ont pu également se former dans les sources chaudes sous-marines. Sous l'influence des mouvements du manteau terrestre, la plaque océanique, plus lourde, s'enfonce sous la plaque continentale et rejoint progressivement le manteau, où elle disparaît. À l'endroit où les plaques s'écartent, le manteau remonte et forme les dorsales sous-marines, véritables chaînes de montagne. L'eau de mer s'infiltre au niveau des dorsales et est portée à des températures avoisinant 350 0C. Elle se charge alors en gaz (hydrogène, azote, oxyde de carbone, dioxyde de carbone, méthane, anhydride sulfureux et hydrogène sulfuré), qui proviennent en partie de la réduction des carbonates et des sulfates, éléments existant dans les roches que l'eau de mer traverse. L'eau, ainsi chauffée et enrichie en gaz, s'échappe sous forme de geysers, au niveau des dorsales. Les évents hydrothermaux fournissent un environnement réducteur nécessaire aux synthèses prébiotiques, et l'énergie thermique est fournie en continu au système par le magma. Cependant, la température de 350 0C est un sérieux handicap, car le temps de demi-vie des briques du vivant à cette température est de l'ordre de la minute. La température des évents du rift des Galápagos est de l'ordre de 40 0C, mais, dans ce cas, elle est trop basse et ne permet plus les synthèses chimiques. On peut également envisager des phénomènes de trempe en continu dans le gradient de température des sources à 350 0C, mais les sites permettant les synthèses chimiques deviennent alors très limités. En 1992, Hiroshi Yanagawa et Kensei Kobayashi ont simulé en laboratoire[...]
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Écrit par
- André BRACK : directeur de recherche au C.N.R.S.
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