ORIGINES DE L'URBANISME AU PROCHE-ORIENT
Le développement des cités le long des grands systèmes fluviaux
C'est dans la plaine alluviale du Tigre et de l'Euphrate que semble s'être opéré le grand changement qui a marqué la fin du Néolithique et qui a conduit à l'urbanisation : telle est du moins l'image qui semble prévaloir actuellement.
La néolithisation du Proche-Orient, qui s'était accompagnée de l'extension de l'aire occupée par les villages, avait, semble-t-il, atteint plus tardivement les grandes vallées alluviales. L' irrigation qui est née d'après certaines recherches dans un contexte climatique différent – celui des collines du piémont du bourrelet iranien (Zagros) – a contribué, à partir de son introduction en Mésopotamie, à l'essor économique des régions fluviales parce qu'elle permettait de maîtriser un système hydrologique naturellement désordonné. Cette influence de l'irrigation sur le développement des régions fluviales était connue depuis longtemps, mais ce que l'on imaginait moins c'était le rôle de l'irrigation comme moteur essentiel du développement urbain.
Échanges et naissance de la ville
La ville n'est pas née n'importe où, mais dans un milieu où une économie d'échanges se développait et où, en l'absence d'autres moyens de transport, ces échanges ne pouvaient s'appuyer que sur les fleuves et les canaux, qui ont ainsi joué un double rôle dans l'essor de la civilisation sumérienne.
De cette situation initiale, qui a favorisé l'essor des villes, découle, à l'époque historique, la première caractéristique fondamentale des villes dans la plaine mésopotamienne ou de la vallée de l'Indus, à savoir l'étroite association entre le fleuve ou le canal et l'agglomération, le but étant certes d'assurer l'approvisionnement en eau, mais aussi de permettre les échanges économiques et sociaux. Ce n'est donc pas le point d'eau qui permet la ville, mais l'axe fluvial, c'est-à-dire l'eau qui court. La ville se développe ainsi le plus souvent sur l'une des berges du fleuve (Assur, Irak, ) ; il lui arrive aussi, comme à Babylone, de s'étendre de part et d'autre d'un pont qui franchit la voie d'eau et fait de cet endroit un véritable carrefour de voies d'eau et de voies terrestres.
Ville et pouvoir politique
Le passage du village à la cité, c'est aussi la manifestation ultime d'une évolution des structures de la société. Le village néolithique apparaît comme le rassemblement d'édifices identiques ou d'importance voisine ; il devait certes y avoir un chef de l'ensemble de la communauté, mais nous n'en trouvons guère de traces matérielles.
Au contraire, dès que l'on constate une transformation dans la structure des communautés néolithiques, on voit émerger une habitation ou un ensemble de bâtiments plus importants que les autres, aux murs plus épais, avec un plan souvent plus compliqué et une recherche plus poussée de l'organisation intérieure. Dans le bassin mésopotamien, un type de maison sur plan tripartite allongé, avec développement plus ou moins important des dépendances latérales, s'est imposé au Ve millénaire et est devenu l'exemple même de l'architecture monumentale de l'époque d' Obeid. On a longtemps voulu reconnaître dans ces édifices les premiers sanctuaires de la Mésopotamie ; mais les recherches des dernières décennies ont mis l'accent sur la fonction domestique de la plupart d'entre eux, et maintenant on y reconnaît soit des maisons communes de l'agglomération, soit, plus vraisemblablement ou en tout cas dans le plus grand nombre de cas, des maisons de chefs, lorsque ceux-ci voient leur rôle grandir comme maîtres de l'économie, protecteurs des ressources communes et redistributeurs des richesses.[...]
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Écrit par
- Jean-Claude MARGUERON : professeur des Universités
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Médias