ORIGINES DE L'URBANISME AU PROCHE-ORIENT
Les villes neuves
Si la fouille des sites qui ont longuement vécu a donné beaucoup de renseignements sur les premières villes, il faut reconnaître qu'elle n'a pas permis en général d'en définir l'agencement ; cependant, la découverte de villes neuves a été sur ce point d'un grand secours en autorisant une meilleure perception des plans et une meilleure connaissance de ce que les Anciens eux-mêmes envisageaient comme les traits essentiels de leurs villes, car on peut considérer que les caractéristiques qu'ils ont données aux villes qu'ils ont créées ex nihilo pendant plus de trois mille ans d'histoire avaient pour eux une importance particulière.
La plus ancienne ville neuve connue est, par une rencontre étonnante, la plus ancienne ville retrouvée : il s'agit d' Habuba Kabira (Syrie), du nom du site actuel, ville fondée dans la boucle de l'Euphrate à la fin du IVe millénaire. Les auteurs de cette fondation nous sont inconnus, mais les caractéristiques de la cité conduisent à les chercher en pays sumérien. Et, si cette paternité est acceptée, ce serait grâce à cette fondation faite hors de Sumer que nous aurions maintenant, par un nouveau hasard, un exemple presque complet d'une ville au moment où ce type d'agglomération naît au sein de la civilisation sumérienne ; car, jusqu'à maintenant, ni la fouille de Suse ni celle d'Uruk n'ont permis de connaître l'organisation originelle de ces deux cités, pourtant considérées généralement comme les plus anciennes. Avec Habuba Kabira apparaît alors une agglomération conçue selon un plan essentiellement orthogonal, bien enfermée dans ses murailles, étroitement associée au fleuve, dotée d'un centre politique qui domine la ville et d'un réseau de rues hiérarchisées qui desservent des maisons d'importance variée, c'est là aussi que l'on rencontre le plus ancien égout urbain.
Peu après, une autre fondation offre des traits à la fois nouveaux et révélateurs de la richesse inventive et créatrice de l'époque sumérienne : Mari, en effet, a été conçue et réalisée vers 3 000 avant J.-C., selon un plan circulaire de près de 2 kilomètres de diamètre ; un canal qui passait à l'intérieur de la ville la raccordait à l'Euphrate, et le système défensif s'appuyait sur une digue qui a pu recevoir le mur d'enceinte ; ici, secteur religieux et centre du pouvoir sont sans doute nés ensemble, si l'exceptionnel palais date, comme on peut le supposer, de la fondation de la ville ; le port, et donc le centre des affaires, se trouvait certainement sur les berges du canal. On ne peut malheureusement aller plus avant dans l'analyse de la situation de la ville au moment de sa fondation puisque plus de mille ans d'existence et de ruines accumulées ont complètement masqué cet état ; il est néanmoins certain que c'est une décision politico-économique qui se trouve à l'origine de la cité et que cette circonstance a été plus fréquente qu'on ne le pense dans les civilisations anciennes. Quant à la forme circulaire de la première cité de Mari, il ne s'agit pas d'une exception puisque nous la retrouvons à plusieurs reprises au pied du Taurus, par exemple à Sam'al, en Syrie du Nord. Des villes nouvelles de plus petites dimensions nous sont connues, comme Shaduppum ( Tell Harmal, Irak) en Babylonie ou Haradum (Kirbet ed Diniyé, Irak) en aval de Mari sur l'Euphrate au début du IIe millénaire, la première organisée sur un plan trapézoïdal, la seconde sur un plan pratiquement carré et une division intérieure en damier qui met particulièrement en valeur son caractère de ville neuve.
On ne saurait citer toutes ces fondations nouvelles, mais Dur-Sharrukin ( Khorsabad, Irak), fondée par Sargon II d'Assyrie au viiie siècle avant J.-C.,[...]
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Écrit par
- Jean-Claude MARGUERON : professeur des Universités
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Médias