ORNEMENT, musique
Ornements notés par signes
Les ornements notés par signes prennent naissance dans l'ornementation improvisée ; répondant aux critères stylistiques de chaque époque musicale, ils se cristallisent au point de se différencier en formules précises que l'on représente par des signes notés au-dessus de la portée. Ils interviennent sur certaines notes en altérant ou en variant la mélodie.
Dès le Moyen Âge, ils apparaissent dans le chant grégorien sous forme d'effets d'intonation dont la subtilité échappe à une écriture musicale en toutes notes. Les strophicus sont indiqués par une, deux (distropha) ou trois (tristropha) apostrophes et consistent en une sorte d'écho simple, double ou triple sur une même note. On rencontre également une variété de vibrato nommée quilisma, qui s'indique par une ondulation entre deux notes ascendantes séparées par un intervalle de tierce. Les nuances de volume existent elles aussi ; ainsi, une note écrite dans un caractère plus petit signifie qu'il faut étouffer cette dernière (neumes liquescents). La répétition rapide d'une note, la vinnula, est abrégée par la lettre « V » ; c'est l'ancêtre du trémolo. En fait, on sait fort peu de chose sur la façon d'interpréter ces ornements, et les théoriciens du Moyen Âge reconnaissent leur difficulté d'exécution en recommandant aux chanteurs novices de ne pas les utiliser.
Dans le domaine de la musique profane (chansons, danses), les interprètes s'en tiennent surtout à l'ornementation improvisée qui, de ce fait, nous est inconnue à l'exception de la plique, sorte de note de passage qui s'indique par un trait ascendant ou descendant placé entre deux notes. La Renaissance, confirmant l'essor de la musique instrumentale, annonce un renouveau dans l'interprétation et dans l'ornementation au moyen de procédés tels que la diminution. Cette dernière est employée systématiquement, si bien qu'elle se fixe selon quelques modes précis, avec une certaine stabilité. Dans son traité Il Transilvano(Venise, 1593), Girolamo Diruta (1554 env.-1610) décrit et réalise ces modes ornementaux en toutes notes (fig. 5).
Contrairement à la diminution, autrefois improvisée, et qui à la Renaissance est écrite, ces ornements sont désormais des formules que chaque musicien est supposé connaître. Le tremolo, qui s'apparente de loin au trille classique, est une variété de diminution développant un passage mélodique. Lorsqu'on désirait exécuter une figure analogue sur un groupe de notes en valeurs brèves, le battement initial se réduisait à l'alternance de trois ou quatre notes, le tremolo devenant ainsi un tremoletto(en Espagne : quiebros et redobles). Les cadences finales sont presque toujours ornées de groppo qui brodent autour de la note sensible (fig. 6). On rencontre aussi une variante du tremolo utilisée surtout au clavier : le mordant, qui consistait à battre rapidement la note inférieure en tenant la note écrite (fig. 7). Comme on l'a déjà signalé, l'avènement du style monodique impliqua une réduction notable de l'étendue des ornements, qui tendirent à se concentrer autour des notes de la mélodie. Les affetti décrits par Giulio Caccini dans le NuoveMusiche (1602) manifestent clairement ce phénomène (fig. 8). Dans le Syntagmamusicumde Michael Praetorius (Wolfenbüttel, 1618), on trouve les accenti, qui consistent à anticiper rapidement une note (fig. 9).
Pourtant, d'une façon générale, l'interprète actuel doit se montrer vigilant car les auteurs anciens ne sont pas toujours d'accord sur la terminologie relative aux ornements. Selon les régions, le même mot désigne parfois des ornements différents. Heureusement, les compositeurs écrivent quelquefois en toutes notes au début de la partition les ornements qui leur sont propres. On profite aussi d'importants traités[...]
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Écrit par
- Joël DUGOT
: directeur de la revue
Musique ancienne, luthier d'art (copies de luths et clavecins anciens) - Antoine GARRIGUES
: ancien critique à
Sud-Ouest et àContact Variété , professeur d'improvisation et d'histoire de la musique
Classification
Médias
Autres références
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Compositeur et théoricien de la musique italien né le 3 septembre 1568 à Bologne, dans les États pontificaux, mort en 1634 à Bologne, Adriano Banchieri est, après Orazio Vecchi, le deuxième plus grand compositeur de comédies madrigalesques, suites de madrigaux sans intrigue véritable qui suggèrent...
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