ORTHOGRAPHE
L'orthographe, système de représentation écrite des variétés de français et des variétés d'auteurs
Des variétés de français, liées aux diverses aires géographiques, ont coexisté, au cours de l'histoire, avec des formes communes de la langue. Ce sont les différentes évolutions linguistiques jointes à des facteurs socioéconomiques qui sont à l'origine des formes dialectales enregistrées dans les littératures périphériques. Les parlers d'auteurs de la seconde moitié du xxe siècle, dont l'étude est importante pour notre sujet, s'inscrivent dans ce patrimoine linguistique.
L'analyse de l'écriture des variétés de français fait apparaitre (orthographe rectifiée, Acad. franç.) des systèmes graphiques différentiels, en contraste avec la norme usuelle du français. Cette systématique est destinée à conférer une identité linguistique propre, perceptible non seulement à l'oral, mais transmise également par l'écrit. Les procédés de différenciation sont de deux types : ou la forme à transcrire présente un écart phonique dont la notation est parlante par elle-même ; ou la différence phonique n'est pas suffisante. Elle est alors compensée par des procédés de déformation de la norme graphique destinés à créer la différenciation. Ces procédés sont complémentaires, assurant au texte lisibilité et compréhension.
Distinction graphique par la notation de différences de prononciations
Une alternance de prononciation, à l'initiale a/é (azité/hésité) caractérise le parler de l'Orléanais : J'ai azité avant d' vous acrire « j'ai hésité avant de vous écrire » (A. Gilbert, 1995). Le sarthois, tout en partageant l'alternance a/e (al/elle), se caractérise par une finale en /ɛ/ très ouvert, notée par l'accent grave : al tait point contrarièe « elle [n'é]tait pas contrariée » (É. Jacqueneaux, 1993).
Distinction par l'emploi de l'apostrophe et par la segmentation graphique
Lorsque la différence de prononciation entre le français et la variété dialectale n'est pas assez marquée, les particularités linguistiques sont mises en valeur par divers aménagements graphiques.
L'utilisation de l'apostrophe sert à noter les voyelles ou les consonnes liquides amuïes à l'oral : ainsi de l'apostrophe en remplacement de l et e amuïs dans que'qu' « que(l)qu(e) », de r amuï dans quat' « quat(re) », ou de e amuï dans : j' sais pas pour « j(e ne) sais pas ».
L'agglutination graphique yavé « il y avait » signale une expression courante avec réduction phonique de trois éléments en un seul.
Un procédé de déglutination caractérise l'écriture du pronom sujet il(s) des troisième et sixième personnes. Devant un verbe à initiale vocalique, il y a déglutination du pronom en deux éléments graphiques : y l' allé « il allait » (singulier), y l' allint « ils allaient » (pluriel, avec notation de la désinence verbale de l'imparfait, en -int), le l final du pronom notant la liaison avec le verbe qui suit ; le l' est marqué d'une apostrophe censée rappeler l'élision. Devant un verbe à initiale consonantique, par contre, la graphie du pronom est réduite à un seul élément, y : y disé « il disait », y disint « ils disaient ».
Cette prononciation courante du pronom, admise à l'oral, est stigmatisée à l'écrit et correspond à une tradition graphique pour noter le parler relâché, familier ou populaire, tandis que la notation de la finale en -int est caractéristique de l'Orléanais.
Distinction par la suppression de marques graphiques, lexicales et grammaticales, ou dégrammatisation
Parmi ces procédés de distinction graphique on note la suppression à l'écrit de -r final muet dans un mot comme gas « gars », qui signale une[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Liselotte BIEDERMANN-PASQUES : ingénieur de recherche au C.N.R.S., directrice de recherche à l'université de Paris-III-Sorbonne, docteur d'État en linguistique
- Fabrice JEJCIC : ingénieur C.N.R.S., linguiste
Classification
Média
Autres références
-
APPRENTISSAGE DE L'ORTHOGRAPHE
- Écrit par Sébastien PACTON
- 1 930 mots
L’apprentissage de tout système d’écriture impose que les enfants comprennent comment le langage écrit représente le langage oral. Dans les systèmes alphabétiques, les phonèmes (unités sonores minimales du langage) sont représentés par des graphèmes (lettre ou groupes de lettres, par exemple ...
-
APPRENTISSAGE DE LA LECTURE
- Écrit par Jonathan GRAINGER et Johannes ZIEGLER
- 1 847 mots
- 1 média
La lecture est une invention culturelle, l'une des plus grandes de la civilisation. Les systèmes d’écriture, comme l’alphabet latin, ont été inventés pour transcrire le langage oral. C’est ainsi que le langage oral est devenu immortel. Dans le cerveau du lecteur, les symboles sur la page deviennent...
-
CERVEAU ET PRODUCTION ÉCRITE
- Écrit par Marieke LONGCAMP et Jean-Luc VELAY
- 1 201 mots
- 1 média
L’écriture est à la fois langage et motricité. Langage, car pour exprimer des idées il faut choisir les mots, former des phrases grammaticalement correctes, respecter l’orthographe. Motricité, car il faut coordonner finement les mouvements des doigts et du poignet pour tracer ces mots sur le...
-
DYSLEXIE
- Écrit par Franck RAMUS
- 1 732 mots
...limitation initiale entrave la mémorisation des mots écrits, dont dépend la capacité à les reconnaître automatiquement et à acquérir une lecture courante. En second lieu, l’enfant dyslexique a des difficultés à acquérir l’orthographe des mots, ce qui est un autre aspect du même problème. Cette « dysorthographie... -
FRANCE (Arts et culture) - La langue française
- Écrit par Gérald ANTOINE , Jean-Claude CHEVALIER , Loïc DEPECKER et Françoise HELGORSKY
- 15 699 mots
- 2 médias
... indéfini) ou par souci étymologique (tere devient terre à cause de terra ; fait devient faict à cause de factum). La complexification de l' orthographe française est chose faite au xvie siècle et, déjà, les efforts des réformateurs échouent devant la conjuration des scribes et des imprimeurs.... - Afficher les 13 références