ORTHOPTÈRES ET DERMAPTÈRES
Vie grégaire et familiale
Le grégarisme chez les orthoptères
Bien qu'il n'intéresse que cinq ou six espèces d' acridiens, le grégarisme est peut-être le phénomène le plus intéressant de la biologie des orthoptères, tant au point de vue théorique que par ses conséquences pratiques qui conduisent les criquets nommés à tort « migrateurs » à effectuer des déplacements importants, en bandes immenses qui ravagent tout sur leur passage. Les seules espèces grégaires sont : Locusta migratoria avec ses formes géographiques de France (L. gallica), d'Afrique (L. migratorioides), de Madagascar (L. capito) et d'Asie (L. maniliensis), Locustana paradaline, Schitocerca gregaria (criquet pèlerin) et S. paranensis, ainsi que Nomadacris septemfaciata. Le phénomène est beaucoup moins net chez le criquet marocain (Dociostaurus maroccanus) et chez les criquets américains (Melanoplus), qu'on peut appeler semi-grégaires.
L'essentiel du grégarisme consiste dans le fait que ces espèces peuvent acquérir des caractères nouveaux lorsque les individus sont groupés ; ces insectes passent donc par deux formes morphologiquement et biologiquement différentes appelées phases : la phase solitaire et la phase grégaire, mais le passage de la première à la seconde est graduel et la première génération est en grande partie constituée d'intermédiaires qu'on a appelés transiens. Comme le phénomène est réversible et que le retour à la phase solitaire est également progressif, on distingue les intermédiaires qui vont vers la phase grégaire (ou transiens congregans) et ceux qui reviennent au type solitaire (ou transiens dissocians). Le cycle, qui peut durer de quatre à six ans, se résume donc de la façon suivante : solitaire → transiens congregans → grégaire → transiens dissocians → solitaire.
Les formes grégaires se distinguent morphologiquement par leur pigmentation toujours plus sombre que chez les solitaires, par la forme du pronotum (dos plat dans la phase grégaire et bombé dans la phase solitaire de Locusta migratoria), par l'absence de dimorphisme sexuel et enfin par la modification des proportions du corps (surtout la longueur de l'élytre par rapport à celle du fémur). En outre, les formes grégaires ont un cycle annuel différent, car leurs œufs se développent directement, sans diapause embryonnaire, tandis que ceux des individus solitaires en possèdent souvent une. La vitalité des individus grégaires se traduit d'ailleurs par une grande activité et par un appétit qui les conduit à absorber des quantités énormes de nourriture. Enfin, les criquets grégaires possèdent deux caractères constants qui sont l'interattraction et l'instinct d'imitation. Au contraire des solitaires, les grégaires cherchent en effet toujours à se rapprocher et montrent dans leurs mouvements un synchronisme remarquable, d'origine réflexe (réaction optomotrice). Ces deux caractères apparaissent dès le plus jeune âge et expliquent en partie les migrations qui se manifestent différemment chez les larves et les adultes. Chez les jeunes, en effet, qui forment des « bandes larvaires », elles consistent en déplacements à terre dans une direction fixe qu'aucun obstacle ne peut faire changer. Tous les individus de la bande suivent la même direction et Rémy Chauvin a pu montrer qu'un individu isolé dans une boîte qu'on soulève au-dessus de ses congénères conserve la même orientation qu'eux. Les mouvements des larves sont avant tout conditionnés par la température : elles passent la nuit à terre ou sur les plantes et reprennent leur activité aux premiers rayons du soleil.
Les adultes se déplacent en volant et forment des « nuages » ; ils peuvent parcourir des distances considérables à une vitesse de l'ordre de 20 à 45 km/h.
On peut expérimentalement obtenir la transformation[...]
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Écrit par
- Robert GAUMONT : docteur d'État ès sciences
Classification
Médias
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