CULLMANN OSCAR (1902-1999)
Né à Strasbourg le 25 février 1902, mort à Chamonix le 16 janvier 1999, Oscar Cullmann est l'un des théologiens luthériens les plus marquants de son siècle. Depuis son premier article (1925), par lequel il fait connaître au public français les méthodes de l'« histoire des formes » (Formgeschichte), jusqu'à son dernier livre sur la prière publié en 1994, l'originalité de sa pensée lui a souvent permis de franchir les frontières confessionnelles et de mériter d'être qualifié par Mgr A. Hänggi, ancien évêque catholique de Fribourg, de « Pontifex der Ökumene », c'est-à-dire celui qui construit des ponts entre peuples, villes et Églises !
Après des études de théologie et de philologie classique à Strasbourg et à Paris, et la soutenance d'une thèse sur le roman pseudo-clémentin, Cullmann est nommé, à vingt-huit ans, maître de conférences à la faculté de théologie protestante de Strasbourg (1930-1938). Professeur à Bâle (1938-1972), il dirige aussi, aidé de sa sœur Louise, le foyer des étudiants, l'Alumneum (1941-1972). Il est plusieurs fois doyen de la faculté de théologie de Bâle et recteur de l'université en 1968. Il enseigne conjointement à Strasbourg (1945-1948) et, à Paris, à l'École pratique des hautes études (1949-1972) et à la faculté libre de théologie protestante (1954-1968). Il est également invité à donner un enseignement en Sorbonne, à la faculté de théologie vaudoise de Rome et dans d'autres universités (Harvard, Munich...). Parmi de nombreux honneurs ou distinctions, Cullmann est élu en 1972 à l'Académie des sciences morales et politiques et il reçoit, en 1993, le prix international Paul VI.
Dans le discours qu'il prononce à l'occasion de son quatre-vingt-dixième anniversaire, Cullmann distingue trois axes qui ont orienté ses travaux.
Le premier met en lumière l'influence qui a pu être celle d'un judaïsme hétérodoxe à l'origine du christianisme. Les « hellénistes » dont parle le Nouveau Testament ne sont pas pour lui des judéo-chrétiens de langue grecque, mais les tenants d'un judaïsme à tendance ésotérique, d'une « gnose juive » comme il dit, qui ont rejoint la communauté chrétienne. En son sein, ils ont développé une théologie, qui s'exprime dans la littérature johannique. Cette thèse revient à distinguer deux traditions chrétiennes primitives quant au Messie : celle qui, dans la ligne du judaïsme orthodoxe, se retrouve dans les Évangiles synoptiques (Marc, Matthieu, Luc) et celle, opposée, qui conteste le culte du Temple, attitude qu'on retrouve dans les manuscrits de Qumran comme chez les Samaritains, et qui est représentée par l'Évangile selon Jean et les œuvres qui s'y rapportent, ce qu'il nomme « le milieu johannique ».
Plus connue est sa conception de l'histoire du salut (Heilsgeschichte), deuxième axe de sa recherche. Prenant ses distances par rapport aux positions eschatologiques tant de C. H. Dodd que d'Albert Schweitzer, d'une part, et affirmant, d'autre part, contre Rudolf Bultmann que le temps présent est pour le croyant celui de l'engagement éthique, Cullmann distingue dans tout le Nouveau Testament une tension d'ordre temporel, dont l'expression dialectique est celle du « déjà » et du « pas encore » : tout est déjà accompli en Jésus-Christ, mais la fin n'est pas encore arrivée. Christ et le temps (1946), son livre le plus lu, traduit en de nombreuses langues, et Le Salut dans l'histoire (1966) illustrent cette pensée, qui privilégie le rôle central de l'événement historique de la croix : celui-ci interdit désormais au croyant de placer son espérance dans le seul avenir. Si le Christ se situe au milieu de l'histoire du salut, cela signifie qu'il la domine et la conduit, parce qu'il est présent[...]
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Écrit par
- Jacques-Noël PÉRÈS : pasteur de l'Église luthérienne, professeur à la faculté de théologie protestante de Paris et à l'École des langues et civilisations de l'Orient ancien
Classification
Autres références
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ÂME
- Écrit par Pierre CLAIR et Henri Dominique SAFFREY
- 6 020 mots
En 1956, dans son livre Immortalité de l'âme, ou Résurrection des morts ?, Oscar Cullmann a établi (justement, selon nous) que le Nouveau Testament enseigne, sur le sort individuel de l'homme après la mort, non pas l'immortalité de l'âme mais la résurrection des morts. Cette thèse a ouvert un grand...