NIEMEYER OSCAR (1907-2012)
L'architecte de Brasília
L'année 1954 constitua un tournant dans l'œuvre de Niemeyer. Venu pour la première fois en Europe, qu'il parcourut longuement, l'architecte révisa son jugement sur les styles du passé, qu'il avait jusque-là considérés comme incapables d'apporter une contribution à l'architecture contemporaine ; il comprit la signification de ces créations en tant que symbole d'une civilisation et la valeur permanente de leur beauté opposée au caractère transitoire des facteurs fonctionnels et utilitaires. Il s'attacha désormais à épurer son style, à le dépouiller de tout excès de fantaisie, à lui donner un caractère permanent de grandeur monumentale. L'accession de Kubitschek à la présidence de la République et la fondation de la nouvelle capitale, Brasília, furent pour lui l'occasion rêvée. S'il refusa de tracer le plan de la ville qui échut après concours à Lucio Costa, Niemeyer accepta la charge de construire la plupart des édifices publics et notamment ceux de l'axe monumental tracé par Costa. Il fut également l'architecte de l'ensemble des immeubles d'habitation d'une des unités résidentielles de l'aile sud de l'agglomération. Si certaines réserves peuvent être faites quant à l'agencement pratique de ces derniers bâtiments, la réussite plastique des premiers est indéniable. Leur architecture symbolique allie distinction et élégance, audace et nouveauté, puissance et légèreté. Le retour au vieux principe méditerranéen de l'édifice à portique pour la plupart des palais officiels a donné des résultats remarquables, démontrant tout le parti qu'on pouvait tirer des monuments du passé tout en restant typiquement de son époque. La variété des solutions trouvées dans les ouvrages de Brasília n'altère en rien l'unité profonde qui se dégage de la ville entière. La parfaite conjonction du plan de Costa et de l'architecture de Niemeyer ont abouti à la plus belle réalisation de l'urbanisme du xxe siècle.
Le coup d'État militaire de 1964 le contraint à l'exil, il vit de 1967 à 1972 à Paris. Son audience internationale a considérablement augmenté et il est l'auteur de projets pour des pays multiples pays : Algérie (université de Constantine, 1969-1977), Ghana, Liban, Israël (l'université d'Haïfa), Italie (siège des éditions Mondadori à Segrate, 1968-1975) et naturellement la France (siège du Parti communiste à Paris, 1965-1980, et maison de la culture au Havre, 1972-1982). De retour au Brésil, il construit notamment la Sambodrome à Rio de Janeiro (1984) qui accueille le carnaval et le musée d'Art contemporain de Niteroi (1996). En 1987, Brasilia est classée au patrimoine mondiale de l'U.N.E.S.C.O. et l'année suivante Oscar Niemeyer reçoit le prix Pritzker. On a souvent opposé ses idées progressistes et le fait que ses grandes réussites aient été obtenues dans des programmes monumentaux qui n'avaient aucun caractère social ; Niemeyer a répliqué que la tâche de l'architecte consistait à construire ce qu'on lui demandait et qu'il ne pouvait renoncer à travailler parce qu'il ne vivait pas dans un régime qui lui aurait confié les commandes désirées. Cette réponse est probablement un alibi ; Niemeyer s'est en effet révélé comme un artiste donnant toute sa mesure lorsqu'il ne se trouvait pas en face de contraintes astreignantes. Sa contribution décisive à la civilisation de notre temps a été de rappeler avec éclat que l'architecture n'était pas seulement une création utilitaire, mais aussi un art de signification majeure, dont l'expression ne devait pas être systématiquement brimée. Oscar Niemeyer meurt en 2012 à Rio à l'âge de cent quatre ans.
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Écrit par
- Yves BRUAND : professeur d'histoire de l'art à l'université de Toulouse-Le-Mirail, archiviste-paléographe, docteur ès lettres
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