KOKOSCHKA OSKAR (1886-1980)
C'est à la fin du xixe siècle et au début du xxe que l'image cesse d'être pensée en termes d'imitation des formes naturelles : séparant nettement la vision du visible, les artistes ne cherchent plus à représenter le monde mais à l'exprimer par équivalences plastiques.
Peintre, graveur, dessinateur, décorateur de théâtre, mais aussi écrivain et auteur dramatique, Oskar Kokoschka compte parmi les figures les plus marquantes de l'art contemporain. Sa personnalité est difficilement réductible à un courant artistique : son œuvre est en effet souvent cataloguée comme expressionniste.
Pour Kokoschka, l'expressionnisme ne peut se conformer à un style : il constitue plutôt un authentique « modus vivendi » artistique. « Je pense que je suis le seul véritable expressionniste, précisait le peintre ; le mot expressionnisme est un mot commode qui veut tout dire de nos jours. Je ne suis pas expressionniste parce que l'expressionnisme est un des mouvements de la peinture moderne. Je n'ai pris part à aucun mouvement. Je suis expressionniste parce que je ne sais pas faire autre chose qu'exprimer la vie... La quatrième dimension dans mes toiles est une projection de moi-même. » Ce témoignage nous aide à comprendre une œuvre picturale dont l'auteur, n'appartenant à aucun courant et n'épousant aucune attitude extrémiste, a pourtant su trouver des points de contact avec les grands mouvements, les groupes ou les personnalités artistiques de son temps.
Une œuvre littéraire et plastique
Kokoschka est né à Pöchlarn (Autriche) en 1886 ; il a fait ses études à l'École d'arts et métiers de Vienne. À Vienne, en cette première décennie du xxe siècle, Schönberg élabore son système dodécaphonique ; Freud, la psychanalyse ; Adolf Loos, la théorie du rationalisme fonctionnaliste dans l'architecture.
Le monde de la peinture est alors marqué par la sécession de Klimt et du groupe qui l'entoure. « À tout temps, son art ; à tout art, sa liberté », proclamait Klimt, qui, en respectant la bidimensionalité du support, conférait une nouvelle valeur à la ligne et à la couleur.
Très marqué à ses débuts par le graphisme stylisé de Klimt, Kokoschka lui dédie sa première œuvre littéraire, Les Enfants rêveurs – livre de poèmes et de dessins (1908). La même année, Kokoschka expose au Salon d'art moderne de Vienne et commence à écrire ses premières œuvres dramatiques pour le théâtre (dont Meurtre, espoir des femmes). Le coup ainsi porté à l'harmonie classique, à la convention traditionnelle de la beauté, ne passe pas inaperçu. Son œuvre littéraire comme sa création plastique suscitent à la fois un vif intérêt et une virulente opposition. Et si les uns proposent son exclusion de l'École, les autres – parmi lesquels Loos – l'encouragent. C'est grâce à ce dernier que le jeune peintre recevra plusieurs commandes de portraits et sera introduit dans les milieux littéraires de l'époque.
Cette importante série de portraits (genre qu'il cultivera d'ailleurs toute sa vie) fut entreprise en 1908 et terminée au début de la Première Guerre mondiale. Ils attestent le désir qu'avait Kokoschka d'exprimer la vie intérieure des modèles par l'expressivité de la forme. Corps et visages des personnages se tordent, sous la touche grasse et violente du pinceau ; la couleur sombre à dominante froide et bleuâtre est traversée d'accents chauds et francs de rouges, de jaunes et d'orangés. La transformation visionnaire du réel est destinée, chez Kokoschka, à figurer le travail du temps sur les visages de ses modèles.
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Écrit par
- Marina VANCI-PERAHIM : docteur en histoire de l'art, maître de conférences à l'université de Paris-I
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