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PANIZZA OSKAR (1853-1921)

Écrivain maudit s'il en fut, Panizza n'a cessé de mener un combat solitaire contre les préjugés qu'entretiennent les diverses formes de tyrannies civile et religieuse. Dès son enfance à Bad Kissingen (Bavière), où il est né le 12 novembre 1853, il fait l'objet d'une bataille juridique et religieuse entre les autorités catholiques, qui entendent imposer les dernières volontés du père défunt, et une mère protestante, qui a juré de faire de son fils un pasteur. « Sursaturé de religion » dans un institut piétiste de Kornthal (Wurtemberg), il décourage très vite les ambitions maternelles. Après des études musicales puis commerciales à Munich, il se tourne vers la littérature en 1872. Son service militaire témoigne d'un sens aigu de la désobéissance passive et d'un mauvais esprit fréquemment sanctionné. En 1875, il se déclare athée, s'inscrit à la faculté de médecine de Munich, entre, en 1882, comme médecin assistant à l'asile d'aliénés de la ville. Il quitte la profession lorsqu'une rente annuelle lui permet de se consacrer à l'écriture et de publier plusieurs recueils de poèmes.

En 1891, sa nouvelle, Le Crime de Tavistock Square, est interdite pour immoralité. Sommé par l'armée de renoncer à la littérature d'avant-garde, il passe outre, est expulsé de l'association militaire, donne Journal d'un chien, se réfugie à Zurich, où il publie sous pseudonyme L'Immaculée Conception des papes (1893) et Le Michel allemand et le pape romain (1894). Sa pièce Le Concile d'amour lui vaut un procès et une condamnation à un an de prison (la première représentation n'aura lieu qu'en 1969, à Paris). Libéré sous caution, il s'installe à Zurich, écrit Dialogues dans l'esprit de Hutten (1895), puis est expulsé de la ville où il a publié son pamphlet Psychopathia criminalis. Il y dénonçait, avec une ironie féroce, l'aisance avec laquelle le pouvoir assimile à une forme de folie le comportement de quiconque contrevient à ses impératifs. Exilé à Paris, il produit sous le titre de Parisiana (1900) une satire de l'Allemagne et de l'empereur Guillaume II. La justice bavaroise confisque sa fortune et le menace d'une ruine complète s'il refuse de comparaître pour outrage au souverain. De retour en Bavière, il est jugé, emprisonné puis déclaré paranoïaque et interné à l'asile de Munich où il avait été médecin. Comme s'il acceptait enfin le rôle de dément que la société dominante lui assigne, Panizza, cette fois, demande à être transféré dans un sanatorium près de Bayreuth. Il n'écrit plus, traduit des textes du latin et refuse obstinément toute conversation en allemand. Il mourra le 28 décembre 1921.

Dans la tradition d'Ulrich von Hutten, Panizza a mené contre la bêtise et pour l'émancipation individuelle une guerre dont l'incertaine issue, d'époque en époque, ne laisse pas de le tenir encore en suspicion aujourd'hui. Le scandaleux Concile d'amour n'a rien perdu de sa fraîcheur ni le trait de sa vigueur. La pièce obéit sans nuance au parti pris d'en finir avec l'imagerie sacrée. Dieu, vieillard gâteux, trône sur une chaise percée, le Christ est un jeune homme un peu demeuré, la Vierge lance des œillades à Satan, qui annonce le crépuscule des dieux et de l'humanité en propageant par le monde la peste syphilitique. Restent à redécouvrir les textes où la précision de la pensée, alliée à une grande érudition, fait justice du phénomène religieux au nom de l'individu, qui est aux yeux de Panizza le seul Dieu digne d'exister.

— Raoul VANEIGEM

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