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SENKOVSKI OSSIP IVANOVITCH (1800-1858)

Camarade de Mickiewicz, élève de Lelewel à l'université de Wilno, Senkovski fait, en 1819-1821, un voyage d'étude en Orient, apprend le persan, l'arabe et le turc. À Saint-Pétersbourg, il est nommé en 1822 à la chaire d'arabe et de turc. L'intérêt pour la question d'Orient et les purges de 1821 à l'université expliquent cette rapide promotion. Malgré d'éminents travaux, de brillantes qualités intellectuelles, sa carrière est compromise après la révolution polonaise de 1830 et il se tourne vers le journalisme. Dans un pamphlet satirique, La Grande Réception chez Satan (Bol'šoj Vykhod u Satany), il raille pêle-mêle écrivains russes et polonais, et lance une revue destinée au vaste public provincial négligé jusqu'alors : la partie littéraire cède la première place aux articles scientifiques, économiques, techniques, aux échos, à la mode. La Bibliothèque de lecture (Biblioteka dlja Čtenija), première grosse revue russe (trente feuilles), financée par l'éditeur Smirdine, est lancée en 1834. Accueillie avec hostilité par le public éclairé, elle est lue avec avidité en province (cinq mille abonnés). Pour gagner la confiance du public, faire preuve d'esprit d'indépendance, Senkovski adopte un ton irrespectueux, voire nihiliste, envers toutes les valeurs culturelles, joue à cache-cache avec la censure et crée un nouveau langage, celui de la presse. Ses feuilletons signés Baron Brambeus connaissent un succès inouï. Ignorant ses confrères, évitant toute polémique, Senkovski traite sans façon les écrits de ses collaborateurs, les transforme, les raccourcit ; mais ils sont bien payés et la revue paraît avec une régularité exemplaire. Boycottée par les écrivains adversaires du « mercantilisme littéraire », elle acquiert une autorité redoutable, même en littérature, et connaît bientôt des imitations. Mystificateur, cynique, provocateur, Senkovski fut, selon Herzen, le Méphistophélès du règne de Nicolas Ier. Il conservera un tel crédit auprès du public, qu'il pouvait, peu avant sa mort, songer à la publication d'un journal politique et s'assurer l'alliance de Kraïevski, son imitateur (Les Annales de la patrie, Otečestvennye Zapiski) et son ennemi littéraire.

— Alexandre BOURMEYSTER

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Grenoble-III

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