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OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord)

Détente et affrontements monétaires

En 1973, l'Alliance devait être secouée par une nouvelle crise d'une exceptionnelle gravité. Celle-ci révélait brutalement la lente désintégration de certaines des forces qui avaient cimenté la solidarité alliée. Tout d'abord, les tensions de la guerre froide que Khrouchtchev avait relancées avaient été remplacées, après son limogeage en 1964, par une ère de détente. Ensuite, le leadership américain, longtemps incontesté, sinon par les Français, était nettement ébranlé : non seulement l'engagement des États-Unis au Vietnam leur avait aliéné la sympathie de nombreux pays, mais la réduction de leur effort nucléaire à laquelle il les avait conduits avait permis à l'U.R.S.S. de largement combler le retard qu'elle avait accumulé au début de la décennie. À la fin des années soixante, elle atteignait, en pratique, une situation de parité avec les États-Unis. Enfin, l'accumulation des déficits budgétaires et l'inflation que la guerre, comme les ambitions sociales incarnées dans la « Grande Société », avait entraînée avaient largement érodé la compétitivité de l'économie américaine. Aussi le succès sur lequel les négociations douanières, dites Kennedy Round, s'étaient achevées en 1967 (réduction des droits de 35 % en moyenne sur les produits industriels, libéralisation des barrières non tarifaires, concessions agricoles) s'était-il révélé insuffisant pour résoudre ses problèmes de balance des paiements. Au contraire, en 1971, pour la première fois depuis 1893, les États-Unis allaient avoir une balance commerciale déficitaire. Ce serait plus que ne pourrait en supporter le système monétaire sur lequel la prospérité occidentale et la force économique de l'Alliance étaient fondées.

C'était ce danger que le général de Gaulle avait particulièrement dénoncé quand, en février 1965, il s'était lancé dans une offensive « tous azimuts » contre l'« hégémonie » des États-Unis. Relevant que le statut du dollar, à la fois devise nationale et moyen de paiement international, incitait les États-Unis à s'endetter gratuitement, voire à « exproprier » les entreprises de certains pays par le biais de leurs investissements, de Gaulle avait invité le monde occidental à procéder à une réforme radicale. Mais il avait aussi suggéré que le temps était venu de rechercher de nouvelles relations avec l'Europe de l'Est et avec l'U.R.S.S.

Le général de Gaulle devait juger le contexte propice à la lente « dissolution des blocs » à laquelle il aspirait. Aussi, après avoir été réélu au suffrage universel, prenait-il, au début de 1966, une décision qu'il devait méditer depuis quelques années : la sortie de la France non pas de l'alliance conclue en 1949, mais du système militaire intégré créé dans la panique engendrée par la guerre de Corée. Non seulement les troupes françaises étaient retirées des commandements interalliés (le mouvement avait été effectué dès 1959 pour les forces navales de la Méditerranée et dès 1963 pour celles de l'Atlantique), mais la France demandait le transfert de ces commandements ainsi que des bases ne relevant pas de sa souveraineté hors de son territoire. Jointe à la visite chaleureuse que de Gaulle rendit à Moscou quelques mois après, cette décision inquiéta les alliés. Certains y virent même le prélude à un renversement des alliances. Il est probable qu'ils se trompaient car le but du général de Gaulle devait être l'avènement d'un système européen d'où tous les « blocs » auraient été éliminés. En tout cas, les membres de l'Alliance ne purent que s'incliner. Le 1er juillet 1966, l'affectation des forces françaises au S.H.A.P.E. (Supreme Headquarter Allied Powers Europe) prit fin, le statut des[...]

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Écrit par

  • : ancien directeur du journal Le Monde
  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
  • : directeur du Centre sur l'Amérique et les relations transatlantiques
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Médias

OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord) - crédits : Encyclopædia Universalis France

OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord)

Blocus de Berlin, 1948 - crédits : National Archives

Blocus de Berlin, 1948

1945 à 1962. La décolonisation - crédits : Encyclopædia Universalis France

1945 à 1962. La décolonisation

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