SCHOECK OTHMAR (1886-1957)
Les deux domaines d'élection du compositeur suisse Othmar Schoeck furent le lied et la scène. Né le 1er septembre 1886 à Brunnen (canton de Schwyz), Othmar Schoeck est le fils du peintre paysagiste Alfred Schoeck. Après avoir hésité entre la peinture et la musique, il entre en 1904 au Conservatoire de Zurich, où il aura notamment comme professeurs Friedrich Hegar, Lothar Kempter et Robert Freund. Sur l'invitation de Max Reger, il part se perfectionner au Conservatoire de Leipzig (1907-1908). De retour à Zurich, où il passera le reste de sa vie, il travaille d'abord comme pianiste-accompagnateur et chef de chœur. En 1917, il est nommé chef des concerts de Saint-Gall, poste qu'il conservera jusqu'en 1944. Il composera une œuvre abondante, principalement consacrée à la musique vocale : quatre opéras et quelque 400 lieder sur des poèmes de Goethe, Mörike, Eichendorff, Lenau, ainsi que de quatre auteurs helvétiques (Conrad Ferdinand Meyer, Gottfried Keller, Heinrich Leuthold et Hermann Hesse).
Son corpus de lieder – forme par excellence du romantisme musical – s'inscrit dans la lignée de ceux de Schubert, Schumann et Wolf. Cependant, et bien que se rattachant à la tonalité, leur langage est de fait celui du xxe siècle, avec une tonalité minée de l'intérieur, expressive, tendue. Ses enchaînements d'accords, ses dissonances, ses ambiguïtés entre majeur et mineur, son emploi du triton, de la gamme par tons entiers, son chromatisme et son recours à la technique de la « complémentarité harmonique » (faisant naître un champ harmonique proprement dodécaphonique mais faussement atonal) font ainsi de Schoeck un compositeur moderne et novateur, dont seule l'esthétique se réclame d'un postromantisme germanique, une esthétique qui le rattache ainsi à Mahler et à Richard Strauss mais aussi à Brahms.
C'est en 1923 que Schoeck tente une grande forme musicale, avec Gaselen, pour baryton et six instrumentistes, sur dix poèmes de Keller. En 1926, Lebendig begraben, pour baryton et orchestre incluant un orgue (1926), sur quatorze textes de Keller où se partagent la révolte et la vaine recherche du bonheur, l'humour tragique et la mélancolie, atteint à un sommet d'intériorité en subordonnant le détail au tout – représenté par la grande forme symphonique – et en mélangeant subtilement récitatifs et épisodes lyriques, de telle sorte que tout passage déclamatoire recèle un caractère mélodique et que toute mélodie relève en même temps du langage parlé.
Dans sa production, le Notturno, pour baryton et quatuor à cordes (1931-1933), occupe une place à part. Tout d'abord, il s'agit historiquement du premier exemple d'un quintette pour voix et cordes où la voix tient le même rôle que le piano ou que la clarinette dans un quintette avec piano ou clarinette. En outre, les seules pièces antérieures associant la voix au quatuor à cordes contiennent une partie de piano (Chanson perpétuelle de Chausson, 1898 ; On Wenlock Edge de Vaughan Williams, 1909...) et le célèbre Deuxième Quatuor de Schönberg ne fait intervenir la voix que dans deux mouvements. De plus, ce Notturno est structurellement conçu selon un plan symphonique (à l'instar de tout quatuor depuis Beethoven) : neuf textes de Lenau et Keller sont organisés en cinq parties – deux vastes mouvements encadrant trois épisodes centraux dont le premier est vif et les deux suivants lents, représentant à eux deux le mouvement « lent » –, dessinant ainsi une forme sonate originale, puisqu'elle comporte aussi au sein de la structure des mouvements extrêmes un interlude central confié au quatuor seul.
Citons parmi ses recueils de lieder : Elegie, pour voix de basse et orchestre de chambre, son premier grand recueil, sur des poèmes de Lenau et d'Eichendorff (1915-1922) ; Unter Sternen, pour voix et piano, sur 25[...]
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
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