OTOÉMISSIONS ACOUSTIQUES
Produits de distorsion
Le terme “produit de distorsion” a été employé en acoustique bien avant la découverte par Kemp des otoémissions. En effet, dès 1714, Giuseppe Tartini découvrait, par une méthode psychoacoustique, que lorsqu'il écoutait deux sons purs, de fréquences proches, émis simultanément, il entendait un troisième son. Les produits de distorsion, tels qu'ils sont actuellement conçus dans le cadre du phénomène d'otoémission, sont des sons émis par l'oreille interne lorsque celle-ci est stimulée par deux sons continus et de fréquence pure f1 et f2, dits “primaires”. L'origine des produits de distorsion est complexe. D'une manière générale, tout système physique ayant un comportement non linéaire génère des produits de distorsion lorsqu'il est stimulé par deux sinusoïdes. De nombreux travaux expérimentaux ont permis de conclure que les produits de distorsion ont pour origine l'oreille interne ; ils disparaissent en cas de lésions des cellules ciliées de l'organe de Corti après un traumatisme sonore ou un traitement ototoxique. Or les propriétés physiologiques de l'oreille interne des mammifères ont un comportement fortement non linéaire, ce qui explique la possibilité de création de tels phénomènes dans la cochlée.
Les sites précis de genèse des produits de distorsion dans l'oreille interne sont encore mal connus. Néanmoins, il apparaît clairement que deux types différents de produits de distorsion peuvent être identifiés. Après une destruction expérimentale et sélective des cellules ciliées externes de l'organe de Corti, les produits de distorsion générés par des sons de faible intensité (inférieure à 60 dB SPL, sound pressure level) disparaissent, tandis que les produits de distorsion générés par des sons de forte intensité (supérieure à 60 dB SPL) persistent. Ainsi, un même produit de distorsion résulterait de la mise en jeu de structures différentes selon l'intensité de la stimulation : à faible intensité de stimulation, les cellules ciliées externes joueraient un rôle majeur ; à forte intensité de stimulation, les autres structures de l'oreille interne pourraient être impliquées. L'étude du phénomène “produit de distorsion” permet donc d'aborder l'étude de la physiologie de la cochlée au niveau cellulaire.
Les produits de distorsion sont des combinaisons fréquentielles des fréquences primaires (nf1 — mf2, n et m entiers). Le produit de distorsion le plus ample chez tous les mammifères a pour fréquence 2 f1 — f2. Les autres produits de distorsion ont une amplitude plus faible (2 f2 — f1, f2 — f1). L' enregistrement des produits de distorsion est effectué en plaçant, dans le conduit auditif externe des sujets, une sonde miniature comprenant trois parties : deux microémetteurs, qui envoient les deux sons stimulants ; un microphone récepteur, qui enregistre les sons présents. Le son recueilli est analysé sur le plan spectral afin d'en extraire les diverses fréquences.
L'intérêt majeur de l'étude des produits de distorsion résulte des possibilités de faire varier la fréquence des sons primaires. Les deux fréquences primaires doivent être proches l'une de l'autre, le rapport optimal étant voisin de 1,22, d'où diverses possibilités de stimulation à des fréquences différentes.
La gamme de cochlée étudiée est, pour chaque couple de fréquences primaires utilisées, réduite à quelques centaines de hertz. Il est alors possible d'étudier l'oreille interne fréquence par fréquence. Cette grande sélectivité fréquentielle est un élément essentiel pour le développement futur de cette technique. De plus, il est possible d'étudier la cochlée sur la gamme de fréquence allant de 800 hertz à 8 000 hertz. Les applications cliniques de produits de distorsion acoustique sont actuellement[...]
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Écrit par
- Paul AVAN : professeur de biophysique à la faculté de médecine de Clermont-Ferrand
- Pierre BONFILS : professeur des Universités, O.R.L. des hôpitaux de Paris
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