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BŘEZINA OTOKAR (1868-1929)

Poète tchèque, Otokar Březina était fils de cordonnier ; après ses études secondaires, il est instituteur en Moravie du Sud-Ouest, qu'il ne quitte pratiquement jamais, même s'il est invité à donner un cours à l'université de Brno. Son existence s'écoule loin des centres littéraires et urbains, dans la solitude méditative, ponctuée de vastes lectures, marquée par une seule amitié amoureuse. Ses débuts en vers et en prose sont tout à fait conventionnels, réalistes, rhétoriques, patriotiques. En 1890, il perd ses parents, cesse alors d'écrire tandis que la lecture d'ouvrages empruntés au monastère local lui révèle la pensée antique (Platon, Plotin) et hindoue, les mystiques du Moyen Âge allemand et français. Il étudie aussi les philosophes modernes (Nietzsche, Bergson et surtout Schopenhauer), sans oublier les poètes français Rimbaud, Maeterlinck, Mallarmé et avant tout Baudelaire, qu'il lit dans le texte original.

Dès 1895, sous un nouveau pseudonyme, il fait paraître les recueils qui lui assurent, entre Bridel, Mácha et Holan, la suprématie parmi les poètes spiritualistes et métaphysiques tchèques et le placent d'emblée au sommet du symbolisme européen, avec Valéry, Claudel, Rilke, Yeats, Blok, Krasko. Objet d'innombrables analyses, l'œuvre complexe de Březina garde longtemps son secret, en particulier sur la « naissance » du poète de la « légende cosmique », selon le mot du poète Hora. Après sa mort, la révélation de sa correspondance en identifie la véritable cause : Baudelaire et sa descendance symboliste provoquèrent la métamorphose de sa forme poétique, mais non celle de sa pensée. Ainsi apparaissent ses vers libres, hymniques, musicaux, admirablement structurés, et une langue d'une extraordinaire richesse d'images et de métaphores.

Cinq recueils jalonnent son itinéraire spirituel : Lointains mystérieux (Tajemné dálky, 1895), Aube à l'Occident (Svítání na západě, 1895), Vents des pôles (Větry od pólů, 1897), Constructeurs du temple (Stavitelé chrámu, 1899) et Les Mains (Ruce, 1901). L'âme de l'homme qui commence à parler — il rappelle par moments Beethoven — est celle d'un être emmuré dans sa « geôle » de solitude, pessimiste, trahi par la vie, angoissé devant la mort ; dans son univers, un seul être concret — sa mère — et, malgré tout, quelques lueurs d'« extases et de rêves », le culte de la beauté. Il faut cependant se détacher complètement du monde, de tout égotisme, des sentiments « trop humains », de la crainte de la douleur, de toute attitude négative et rechercher les authentiques valeurs de l'existence humaine sur le plan spirituel. C'est à partir de cet état, quasi mystique, que l'âme revient sur la terre avec une vision transcendante de l'univers, certitudes qui permettent de concevoir tout autrement son rôle parmi les hommes. Cette émergence ne se fait pas sans moments de scepticisme ni de doute. Mais, à l'aube, l'âme surgit, toute transfigurée, de cette épreuve pathétique : plus de solitude mais une communauté fraternelle de tout et de tous dans l'harmonie cosmique de la Création. Le poète rend hommage à la majesté de celle-ci, mais sa tâche primordiale est désormais d'exalter les cœurs et les mains des bâtisseurs de la cathédrale humaine, de ce monde futur, plus parfait, uni dans la fraternité et la sagesse indéfectibles, indestructibles.

Le poète visionnaire de l'Absolu a tout dit. Březina n'écrira plus qu'un livre d'essais, La Musique des sources (Hudba pramenů, 1903), commentaire philosophique et esthétique de sa création, un autre restant inachevé, L'Histoire cachée (Skryté dějiny). Le reste n'est que la contemplation de la vie, quelques rares amitiés (Šalda, Deml), mais surtout cette marque singulière, indélébile,[...]

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Écrit par

  • : chargé de cours (littérature tchèque, littérature comparée) à l'Institut national des langues et civilisations orientales

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