KREJČA OTOMAR (1921-2009)
Avant de devenir metteur en scène, Otomar Krejča avait connu une brillante carrière d'acteur. Au Théâtre national de Prague (Národni Divadlo), il avait interprété notamment les rôles d'Othello, de dom Juan, de Warwick dans la Sainte Jeanne de G. B. Shaw. À partir de 1956, ses mises en scène embrassent un vaste répertoire comprenant des classiques et des contemporains, des auteurs tchèques et des étrangers. Sa direction d'acteurs n'est pas révolutionnaire : il est « pour l'identification avec la fable et le personnage », tout en s'opposant à la subjectivité et au prophétisme d'une troupe comme le Living Theatre. Pour lui, une pièce de théâtre est toujours un poème, d'où l'importance qu'il accorde au texte. Mais, en revanche, Krejča prône de plus en plus le théâtre-atelier, impliquant une étroite collaboration entre tous les artisans du spectacle et le public.
En 1965, lorsque le dramaturge Karel Kraus et les acteurs Jean Triska et Maria Tomasova quittent le Théâtre national pour fonder le Divadlo Za Branoun (« théâtre-derrière-la-porte »), Krejča les suit. Il y monte la première pièce de Josef Topol : La Chatte sur les rails. Durant sept ans, ce théâtre sera l'un des foyers artistiques les plus féconds de Prague : les mises en scène d'Ivanov de Tchekhov et de Lorenzaccio de Musset figurent parmi ses succès les plus marquants. Entre 1965 et 1971, la troupe voyage beaucoup et se fait apprécier dans le monde entier. Krejča était devenu, sous le gouvernement de Dubček, président de l'Union des artistes de théâtre.
En 1971, il est destitué de son poste de directeur, et toute représentation à l'étranger lui est interdite. Il n'est pas seul d'ailleurs à subir la « normalisation », puisque quarante et un des quarante-huit directeurs de troupes de Bohême sont limogés. Le 10 juin 1972, le Divadlo Za Branoun était fermé sur ordre de l'État. Krejča devra attendre près de deux ans avant de reprendre son travail de metteur en scène en Tchécoslovaquie. Ses paroles au congrès de l'Union des artistes de théâtre, en 1969, ont valeur de manifeste : « Un art ne s'impose pas, il ne s'infiltre pas, il ne manifeste pas, mais il contamine ; il ne crie pas, mais il chuchote. Il travaille lentement et avec patience. Il ne prie pas pour qu'on lui donne la liberté, car lui-même est libre et exprime la liberté. Il agrandit et consolide le royaume de la liberté en chacun de ceux qui s'ouvrent à lui. »
Multipliant, à partir de 1976, les mises en scène à l'étranger, Krejča finit par quitter la Tchécoslovaquie pour entreprendre une carrière internationale. Après un passage à la Schauspielhaus de Düsseldorf, en 1978, il devient pendant trois ans directeur artistique de l'Atelier théâtral de Louvain-la-Neuve, où il s'attache surtout à une recherche approfondie sur le répertoire du xixe siècle, sur Tchekhov notamment, avec Les Trois Sœurs et La Mouette (1980). Il donne également une mise en scène remarquée de En attendant Godot (1979), reprise en 1985 au Théâtre de l'Atelier à Paris. Ce n'est qu'à partir de 1989 qu'il peut à nouveau monter des pièces dans son propre pays.
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Écrit par
- Armel MARIN : metteur en scène, conseiller en éducation populaire et techniques d'expression
Classification
Autres références
-
SOCIALISTES ART DANS LES PAYS
- Écrit par Robert ABIRACHED , Louis MARCORELLES et Jean-Jacques NATTIEZ
- 12 602 mots
- 7 médias
...scénique : son œuvre est tenue pour exemplaire par les hommes de théâtre. Il faut encore mentionner le théâtre Za Branou de Prague et son metteur en scène Otomar Krejca (qui a fait de nombreuses mises en scène en Occident après la fermeture de cette entreprise). Quant à Grotowski, il a dissous de son propre...