ŌTSU-E. PEINTURES POPULAIRES DU JAPON (exposition)
Dans le prolongement de l’année « Japonismes 2018 », la Maison de la culture du Japon à Paris propose du 24 avril au 15 juin 2019, avec Christophe Marquet et Yokoya Ken.ichirō pour commissaires, une exposition sur un art populaire méconnu, avec plus de cent vingt œuvres et documents produits entre le xviie et le xixe siècle. Le terme générique Ōtsu-e, « images d’Ōtsu », désigne des peintures d’un coût modeste au style naïf exécutées au pochoir avec une palette de couleurs restreinte par des artisans restés anonymes dans Ōtsu et ses environs, un site proche de Kyōto situé au bord du lac Biwa.
Du religieux au satirique
Au début du xviie siècle, Ōtsu devint le premier relais sur la route du Tōkaidō qui conduisait de Kyōto, la ville où siégeait l’empereur, à Edo (aujourd’hui Tōkyō) dont le shōgun Tokugawa Ieyasu avait fait sa capitale après une prise de pouvoir qui avait mis fin aux conflits entre grands seigneurs. Ainsi commence l’époque Edo (1603-1868). Obligés de se rendre tous les deux ans à Edo pour renouveler leur allégeance au shōgun, les seigneurs firent de cette route un axe de circulation et de négoce important, en particulier pour le riz. Également proche de sites de pèlerinage, ce lieu qui s’étendait sur plusieurs villages comptait de nombreuses échoppes de souvenirs, dont celles des imagiers.
Les premières images connues s’inspirent de l’iconographie bouddhique dont la représentation des Treize Bouddhas, très utilisée par les plus modestes lors des funérailles. Parmi ces images aux vertus protectrices se trouve celle du Bodhidharma, le patriarche du courant zen, figuré d’un trait simplifié qui évoque le portrait (à l’encre sur papier) plein d’humour qu’en fera plus tard le peintre et moine zen Sengai (1750-1837).
Plus singulières sont les variations sur le motif du démon issu des enfers bouddhiques. Ce démon possède des apparences humaines et des particularités monstrueuses, avec un corps rougeâtre à la tête cornue et munie de crocs. L’un des thèmes de prédilection est le démon travesti en moine mendiant invoquant le nom de Bouddha. Passant du sens satirique au sens moral, des inscriptions tardives donnent parfois à la fin du xviiie siècle une interprétation didactique du personnage : « Sans miséricorde/ni compassion/l’homme qui invoque/le nom d’Amida/ressemble au démon ». Enfin, l’exposition montre des statuettes en bois polychrome dont certaines furent rapportées par Émile Guimet lors de sa mission au Japon en 1876. Au xxe siècle, des figurines en terre cuite ou en bois continuent d’être confectionnées pour les touristes et les pèlerins.
Si de nombreux sujets sont inspirés de croyances populaires dont les sept dieux du Bonheur ou des héros légendaires, ils sont traités de manière cocasse ou satirique. Ainsi, le dieu de la fortune, monté sur une échelle, rase le très haut crâne du dieu de la longévité, avec cet avertissement qu’arrivé au sommet il risque de tomber. L’image promet aussi d’assurer une longue vie et d’exaucer tous les vœux. D’autres thèmes sont présentés, dont Kintarō, un enfant à la force légendaire, le fauconnier, la jeune fille à la glycine, un chat enivrant une souris, des guerriers héroïques, des courtisanes, des animaux...
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Écrit par
- Nelly FEUERHAHN : chercheuse honoraire au CNRS
Classification
Média