ŌTSU-E. PEINTURES POPULAIRES DU JAPON (exposition)
Croisements et influences
La jeune fille à la glycine est une des dix figures les plus célèbres dès la fin du xviie siècle. Associée à la bonne fortune de la rencontre amoureuse, l’image révèle aussi des liens d’influence entre les motifs populaires et les courtisanes des Ukiyo-e (« images du Monde Flottant »). Les variantes de ces différents motifs témoignent de la permanence de certaines postures. Les animaux sont également très présents, en particulier le singe, le cheval, le renard, le chat et la souris, souvent associés à la transposition parodique d’un travers humain. Une action vouée à l’échec est mise en scène avec le poisson-chat qui s’entête à vouloir saisir un objet glissant avec une gourde. Le chat qui courtise une souris en lui proposant du saké et un piment est une invitation à la prudence. Une œuvre de ce type figurait dans la collection personnelle de Picasso. À la fin du xviie siècle, le nombre de thèmes abordés dépassait la centaine, un registre qui sera repris sans discontinuer jusqu’au xixe siècle.
Dans le dernier quart du xviie siècle, bien que contemporaines des estampes Ukiyo-e à l’esthétique très élaborée et s’adressant à la population urbaine, ces images populaires n’ont pas suscité le même intérêt. Inspiré lui-même par les Ukiyo-e, le développement du japonisme en Occident à partir de 1861, ignore tout autant les Ōtsu-e. Néanmoins, au xixe siècle, des artistes de l’école des Ukiyo-e tels que Utagawa Kuniyoshi ou Kawanabe Kyōsai s’inspirèrent au Japon de cette imagerie dans des versions humoristiques, dont l’exposition présente de superbes pièces.
Ces peintures fragiles, dont il ne subsiste que quelques centaines d’exemplaires, perdirent de leur popularité à l’époque Meiji, avant d’être redécouvertes et étudiées dans les années 1920 par Yanagi Muneyoshi (1889-1961), qui œuvra pour la reconnaissance des « arts populaires » (Mingei) au Japon et fonda en 1936 le Japan Folk Crafts Museum à Tōkyō. De son côté, l’anthropologue André Leroi-Gourhan fut un précurseur dans cet intérêt en Occident. Mentionnons également des artistes, tel le sculpteur catalan Eudald Serra qui séjourna dix ans au Japon et fit connaître ces peintures à Miró et à Picasso. Ceux-ci furent sensibles à une esthétique où dominent la liberté graphique, la naïveté, la simplification des formes et l’esprit humoristique, en résonance avec certaines formes de l’art d’avant-garde au xxe siècle.
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Écrit par
- Nelly FEUERHAHN : chercheuse honoraire au CNRS
Classification
Média