BISMARCK OTTO VON (1815-1898)
S'il est un homme à qui l'on peut sans conteste appliquer l'expression allemande Menschen, die die Geschichte machen, « les hommes qui font l'histoire », c'est bien le prince de Bismarck. Sa forte personnalité a marqué profondément l'histoire de son temps, qu'il s'agisse de l'Allemagne ou de l'Europe tout entière. En Allemagne, Bismarck fut le principal artisan de la destruction de la Confédération germanique imaginée par l'Autriche en 1815, à laquelle il substitue une Confédération de l'Allemagne du Nord (1867), puis un Empire allemand (1871), tous deux soumis à l'hégémonie de la Prusse. Ce Reich bismarckien, le deuxième de l'histoire de l'Allemagne, Bismarck s'applique à le consolider en luttant contre ses ennemis – catholiques (Kulturkampf), socialistes, minorités ethniques –, en le dotant d'institutions communes et surtout d'une armée puissante. Celle-ci permet à l'Allemagne de jouer en Europe, pendant près de vingt ans (1871-1890), un rôle prépondérant. L'« Europe bismarckienne » est celle dont le nouveau Reich occupe le centre, et dans laquelle la politique des autres puissances s'ordonne par rapport à la volonté du « chancelier de fer », ou aux intentions qu'on lui prête.
Bismarck n'a pas pu toujours, pour autant, agir conformément à ses désirs. C'est pourquoi la problématique bismarckienne est moins marquée par des théories ou des doctrines (dont ce grand réaliste ne s'embarrassait guère) que par l'écart inévitable entre les intentions et les réalisations, par les événements fortuits qui viennent déranger les plans du ministre, les résistances qu'il rencontre de la part de l'Autriche ou de la France, les paris qu'il risque et qu'il gagne le plus souvent, mais pas toujours. Le bilan, positif malgré tout, conduit à voir en Bismarck l'un des plus habiles artisans de la grandeur de l'Allemagne.
Le député et le diplomate
Otto von Bismarck naît à Schönhausen, dans l'ouest du Brandebourg (Altmark). Après des études secondaires à Berlin, un bref passage aux universités de Göttingen et de Berlin semble orienter Bismarck vers une carrière administrative. Mais il y renonce bientôt pour faire valoir ses domaines de Kniephof (Poméranie) et de Schönhausen. C'est là que se placent les débuts, modestes, de Bismarck dans la vie politique : d'abord député aux états provinciaux de Brandebourg, il est élu en 1847-1848 au Landtag uni convoqué par Frédéric-Guillaume IV ; il y siège à l'extrême droite. La révolution de 1848 l'indigne, et il cherche vainement à pousser à l'action le prince Guillaume, frère du roi, qu'il juge faible et indécis. Après un échec à la Constituante prussienne (mai 1848), Bismarck est élu au Landtag en février et juillet 1849, et siège en 1850 au parlement d'Erfurt. Il n'approuve pas pour autant la « politique d'union » de Frédéric-Guillaume IV et de ses conseillers : dans ses interventions à la tribune, dans les articles qu'il donne à la Kreuzzeitung, Bismarck se montre au contraire partisan acharné de l'Autriche et condamne toutes les tentatives de réformer la Confédération germanique. Prenant la parole au Landtag, le 3 décembre 1850, il ne craint pas d'approuver la « reculade d'Olmütz », seul parti raisonnable après l'échec d'une politique insensée.
C'est précisément cette attitude qui vaut à Bismarck sa première mission diplomatique. Mais ses idées ne vont pas tarder à évoluer dans un sens que ne prévoyaient certes pas les dirigeants prussiens.
Bismarck est nommé en 1851 représentant de la Prusse à la Diète fédérale (Francfort) ; on lui donne mission de rétablir avec l'Autriche les bonnes relations compromises par la crise de 1850. Mais les rapports[...]
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Écrit par
- Michel EUDE : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen
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