BISMARCK OTTO VON (1815-1898)
Le chancelier fédéral
Le traité de Prague permet à Bismarck de réorganiser l'Allemagne comme il l'entend. Il sait que Napoléon III attache un grand prix à l'indépendance des États du Sud : aussi se contente-t-il de conclure avec les royaumes de Bavière et de Wurtemberg et les grands-duchés de Bade et de Hesse-Darmstadt des traités d'alliance qui placent leurs armées, en cas de guerre, sous commandement prussien (août-sept. 1866). Le reste de l'Allemagne formera une Confédération de l'Allemagne du Nord (Norddeutscher Bund) sous direction prussienne. Dès les premiers jours de décembre, Bismarck rédige un projet qu'il soumet aux représentants des États devant entrer dans la future Confédération. Devant le Reichstag constituant, il défend ce projet, finalement voté le 16 avril 1867. Le 14 juillet, à Ems, Guillaume Ier nomme Bismarck chancelier de la Confédération (Bundeskanzler), poste qu'il cumule (en fait, mais non en droit) avec celui de ministre-président du royaume de Prusse.
Cette charge va absorber l'activité de Bismarck pendant plus de trois ans : création d'une chancellerie confiée à Delbrück, nomination de secrétaires d'État, préparation du travail parlementaire en vue des sessions annuelles du Reichstag. Mais les vues du chancelier débordent les limites de la seule Confédération. L'unité politique de l'Allemagne est certes inachevée, mais son unité militaire est réalisée par les traités avec les États du Sud. Et, surtout, son unité économique s'exprime dans l'Union douanière, le Zollverein. C'est pour Bismarck un incomparable moyen de pression sur les États récalcitrants, qu'il menace d'exclure de l'Union. Il s'en est déjà servi au début de sa charge, et la décision du 12 octobre 1864 lui a donné entière satisfaction. Sadowa lui permet d'aller plus loin, par un nouveau traité signé le 8 juillet 1867 ; l'organisation de l'Union est calquée sur celle de la Confédération, dont elle met en lumière le caractère provisoire, en attendant la réalisation complète de l'unité. Pour plus de sûreté, Bismarck fait savoir aux États désireux de remettre en question les traités d'alliance qu'ils seraient exclus du Zollverein.
L'achèvement de l'unité est, dans ces années 1867-1870, la préoccupation majeure de Bismarck, qui n'ignore pas les obstacles pouvant s'élever du côté de la France. La guerre à propos du Luxembourg a été évitée de justesse, en 1867. La situation est claire : Napoléon III est fermement décidé à empêcher l'entrée des quatre États du Sud dans la Confédération, fût-ce au prix d'une guerre. Bismarck n'est pas moins résolu à réaliser l'unité de l'Allemagne, et pense qu'une guerre sera le plus sûr moyen d'y parvenir. Mais il ne peut attendre indéfiniment : en 1869, les sentiments antiprussiens se développent dans les États du Sud, et le renouvellement des accords militaires, qui arrivent à expiration à l'été de 1870, n'est rien moins qu'assuré. D'une part, la guerre doit être déclarée tant que ces traités sont encore en vigueur, et, d'autre part, la France doit faire figure d'agresseur, si l'on veut qu'elle ait contre elle, par l'application des traités, l'Allemagne tout entière et non pas seulement la Prusse ou la Confédération du Nord. Enfin, il faut que l'Allemagne n'ait pas d'autre ennemi à combattre et, en particulier, que l'Autriche ne cherche pas à profiter du conflit pour prendre sa revanche. Cette dernière condition est remplie depuis l'accord secret du 27 mars 1868, par lequel la Russie s'engage à menacer l'Autriche au cas où celle-ci ferait mine d'aider la France. Quant aux deux premières, Bismarck les réunira en utilisant au mieux la candidature de Léopold de [...]
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Écrit par
- Michel EUDE : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen
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