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OUBLIER LE TEMPS (P. Brook)

Dans Oublier le temps (Seuil, Paris, 2003), initialement publié en anglais sous le titre Threads of Time (1998), Peter Brook retrace le parcours qui l'a conduit à devenir un metteur en scène connu et admiré dans le monde entier. Pour lui, « succès et argent ne valent pas la peine d'être atteints ». Par contre, il se dit en quête d'une beauté « bien difficile à définir ». Oublier le temps n'est ni une autobiographie, ni un livre de mémoires. Il s'efforce plutôt de rassembler et de tisser les fils qui ont aidé le metteur en scène « à développer une compréhension pratique des choses, dans l'espoir que cela puisse contribuer à l'expérience d'un autre ».

Né en 1925, Peter Brook a connu à Londres une enfance heureuse, auprès d'une mère hypersensible tenaillée par la peur et d'un père adoré qui n'a, pour lui, que le tort d'avoir toujours raison. Cet homme, juif de Lettonie, émigré au début du xxe siècle, avait poursuivi ses études d'ingénieur à Paris, puis à Liège, avant de s'établir en Angleterre et de devenir « un fier Anglais pour le reste de sa vie ».

De l'école, où il s'ennuie, Peter Brook n'a retenu que la question que lui posa abruptement un jeune professeur de musique : « Pourquoi le rythme est-il le facteur commun de tous les arts ? » Ces quelques mots, explique-t-il, auront suffi à lui ouvrir « la voie du théâtre autant que celle de la vie ».

À seize ans, il voit son avenir dans le cinéma, mais comprend qu'il lui faut passer par l'étude de la photographie. Son père rêvait d'autre chose pour lui. Mais, d'esprit ouvert, il lui accorde un an de liberté et l'introduit dans un studio où, astreint à un « travail ingrat et décevant », le jeune Peter s'ennuie ferme. Il se lance alors avec des amis dans des tentatives de mise en scène, plus ou moins réussies. Mais quand, de retour à l'université, il tente de les poursuivre clandestinement, le verdict ne tarde pas à tomber : découvert, il est renvoyé. Il réalise en 1943 un premier film – une adaptation du Voyage sentimental de Sterne – qui sera accueilli favorablement. Dès lors, il enchaîne scénario sur scénario, mais c'est la mise en scène qu'il vise. Provisoirement déçu par le cinéma, il se résout sans enthousiasme à tenter un détour par le théâtre et fait ses débuts sur une scène miniature où William Armstrong le découvre et le recommande à des amis. C'est ainsi qu'il met en scène une pièce de G. B. Shaw, où il aura la chance de diriger le jeune acteur Paul Scofield. Bref, c'est le théâtre, plus encore que le cinéma, auquel il ne cessera cependant de penser, qui va faire sa renommée. À vingt-deux ans, après sa mémorable mise en scène de Peines d'amour perdues, de Shakespeare, en 1946, le voilà devenu un metteur en scène réclamé à New York, Londres, Paris. « J'avais brûlé toutes les étapes en me formant sur le tas. » Il n'est pas attiré par l'œuvre de Brecht, qui veut mettre en question l'illusion théâtrale. Lui croit au pouvoir de l'imaginaire, et tire de ses acteurs le meilleur d'eux-mêmes, en faisant appel aux sources d'énergie qu'ils dissimulent en eux.

Passé cette période initiale, les événements qui suivent sont mieux connus : ainsi de son mariage, de sa découverte de Gurdjieff, via 1'Américaine Jane Heap puis Mme de Salzmann, « sa juste et vivante mémoire », qui l'initient à l'enseignement du maître, répondant à son aspiration à la spiritualité. C'est aussi le temps des premières grandes mises en scène parisiennes, d'abord en 1958 avec Vu du pont d'Arthur Miller, au théâtre Antoine de Simone Berriau, puis, en 1960, avec le Balcon de Jean Genêt au théâtre du Gymnase de Marie Bell. À Paris, pour ses[...]

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, critique dramatique de Regards et des revues Europe, Théâtre/Public, auteur d'essais sur le théâtre

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