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OUGARIT ou UGARIT

Les épopées

Tandis que les mythes exposent la geste divine dans un but d'efficacité liturgique, les épopées sont consacrées à la geste humaine dans un dessein d'instruction ; elles enseignent aux hommes des « types » de comportements qui attirent sur eux la bénédiction des dieux et éloignent leur malédiction. Le mythe considère le monde du point de vue divin, l'épopée du point de vue humain. Elle est l'envers du mythe comme la voûte céleste est l'envers du monde divin. Le noyau de l'épopée est historique en ce sens qu'un personnage particulièrement représentatif cristallise autour de lui les traditions et les préoccupations constantes du pays. Les fouilles d'Ougarit ont révélé deux épopées, celle de Kéret et celle d'Aquehat, fils de Danel.

L'épopée de Kéret

Kéret est roi d'un Beth-Chabir, probablement d'un clan semi-nomade comparable à celui d'Abram dont la présence sur le parcours du Croissant fertile est si caractéristique de la situation du Proche-Orient au IIe millénaire. Le douar de Beth-Chabir est installé alors d'une façon stable à quelques lieues d'Ougarit ; au début du poème il est complètement anéanti : Kéret n'a plus ni résidence ni famille ; il est prostré dans sa chambre, pleurant, « ses larmes coulent à terre comme des sicles ». El lui apparaît, lui annonce qu'il doit quitter le lieu de ses malheurs et lui expose la marche à suivre : il doit d'abord offrir un sacrifice, préparer lui-même « la nourriture pour la cité et le froment pour le Beth-Chabir, le pain de cinq mois et les provisions de six mois » ; le clan tout entier doit partir, non seulement « la massive armée », mais aussi les isolés, les veuves, les malades et les aveugles ; six jours de marche sont prévus pour atteindre Edom, principauté au sud de la mer Morte ; il ne devra pas attaquer la capitale du pays mais attendre les propositions pacifiques de Pabil-malik, son roi ; celles-ci doivent lui parvenir au matin du septième jour, après son arrivée sous les murs de la ville ; en réponse, Kéret demandera à Pabil-malik sa fille en mariage ; le dieu El esquisse de la jeune fille un tel portrait que le bonheur réveille Kéret et termine par là même le songe prémonitoire.

Kéret se met immédiatement à l'œuvre et suit méticuleusement le plan divin, qui se déroule exactement comme prévu. La femme de son rêve lui est accordée, leur mariage est béni et ils ont de nombreux enfants.

Survient alors à Kéret, fils de El, une maladie mortelle dont il s'étonne, El lui ayant promis la vie. Le grand dieu se décide à agir en faveur du malade, mais aucun des dieux assemblés ne semble capable de le guérir ; El prend lui-même l'affaire en main et Kéret guérit, à la grande déception de son fils qui s'apprêtait à régner à sa place. L'épopée se termine par une malédiction du fils par le père.

Kéret apparaît dans tout le poème comblé par les dieux en récompense de sa docilité parfaite à leurs directives. La triste fin de l'épopée montre l'incompatibilité entre l'immortalité personnelle et les exigences d'une descendance.

L'épopée d'Aquehat, fils de Danel

La même quête de vie anime cette seconde épopée. Au début du récit, Danel n'a pas de fils comme en ont ses frères, pas de descendance comme en ont ses parents. Désespéré par la malédiction des dieux qui le rend stérile, Danel, le sage, se retire dans une caverne, symbole du tombeau, pour s'y lamenter. Après sept jours de réclusion, Baal s'approche du caveau, implore El en faveur de Danel, et l'épouse de celui-ci conçoit un fils. Sept jours de réjouissances marquent la naissance d'Aquehat. La scène centrale de la vie du héros est une proposition d'immortalité faite à Aquehat par Anat en contrepartie du don à la déesse de l'arc du jeune homme, et le refus d'Aquehat.[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut catholique de Paris
  • : agrégée de l'Université (lettres classiques), docteur ès lettres, directeur de recherche émérite au C.N.R.S.

Classification

Médias

Carte du royaume d'Ougarit au Bronze récent - crédits : Encyclopædia Universalis France

Carte du royaume d'Ougarit au Bronze récent

Tell de Ras Shamra-Ougarit - crédits : Encyclopædia Universalis France

Tell de Ras Shamra-Ougarit

Autres références

  • BAAL

    • Écrit par
    • 853 mots

    Divinité adorée dans de nombreuses communautés du Proche-Orient antique, spécialement par les Cananéens, qui semblent en avoir fait un dieu de la fertilité. Le terme sémitique baal (en hébreu, ba‘al) signifiait « possesseur » ou « seigneur », bien qu'on ait pu l'utiliser de façon plus...

  • CHYPRE ANTIQUE

    • Écrit par et
    • 5 563 mots
    ...chypriote, accordèrent aux rois de ce pays le titre de « frère », comme l'atteste la correspondance diplomatique retrouvée accidentellement à Tell el-Amarna. Dès cette période également, les rois de Chypre entretenaient des relations d'amitié, renforcées par des liens matrimoniaux, avec la maison royale dans...
  • DAGAN ou DAGON

    • Écrit par
    • 334 mots
    • 1 média

    D'origine inconnue et resté étranger à la culture sumérienne, le dieu Dagan appartient surtout à la religion des anciens sémites. Son nom, qui pourrait signifier « grain », donne une idée médiocre de son importance : il est en réalité à la Syrie ce qu'est Enlil à la Mésopotamie : la...

  • ÉCRITURE (notions de base)

    • Écrit par
    • 2 596 mots
    • 7 médias
    Les deux premiers alphabets sont inventés au cours de la seconde moitié du IIe millénaire avant J.-C. L’alphabet cunéiforme d’Ugarit, d’usage courant au xive siècle avant J.-C., comprend trente signes. Il est utilisé pour écrire des langues de même famille (araméen, hébreu, ougaritique et...
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