GANDA OUMAROU (1935-1981)
Né au Niger, dans la région du fleuve, Ganda s'engage, en 1951, dans le corps expéditionnaire français en Indochine : il a seize ans. De retour au Niger en 1955, il est enquêteur-statisticien durant un an, puis part pour Abidjan (Côte-d'Ivoire) où se trouve un important groupe d'émigrés ghanéo-nigériens ; il rencontre Jean Rouch qui prépare un film sur ces émigrés, devient enquêteur dans son équipe, puis accepte de jouer dans le film en préparation le rôle d'un manœuvre du port d'Abidjan. Moi un Noir, film dont la durée passa d'un quart d'heure à une heure trente, fut un modèle pour l'école du « cinéma-vérité » : il fit découvrir à Ganda l'efficacité du cinéma comme instrument de prise de conscience et d'éducation.
De retour au Niger, Ganda est assistant-réalisateur dans le groupe Culture & Cinéma, fondé à Niamey, sous l'égide du Centre culturel franco-nigérien. Il obtient ainsi les moyens de tourner son premier film, Cabascabo, moyen métrage dont il est à la fois l'auteur, le réalisateur et l'acteur principal ; la qualité de son œuvre lui permet de bénéficier d'une aide de la coopération pour le tournage de deux nouveaux films, Le Wazzou polygame et Saïtane. Enfin, après un long silence dû aux changements politiques que connaît le Niger, Ganda tourne Cock cock cock, seul film disponible d'une série de trois documentaires inspirés par les chants et traditions populaires et L'Exilé, qui sort peu de temps avant sa mort. L'œuvre de Ganda ne présente pas le côté flamboyant, engagé, de la plupart des films africains reconnus. Elle annonce plutôt le jeune cinéma africain actuel, plus tourné désormais vers l'analyse des réalités sociales vécues quotidiennement que vers la dénonciation de la colonisation et de ses méfaits.
Le premier film de Ganda, Cabascabo (1969), le « Caïd », retrace les mésaventures d'un ancien combattant d'Indochine, revenu à Niamey, et menant joyeuse vie jusqu'à ce que son argent s'épuise ; il est alors en butte au mépris général et doit se faire manœuvre pour survivre : tout en tamisant le sable, il revoit les épisodes de sa vie et finit par se décider à regagner sa brousse natale. La rigueur et la simplicité du découpage qui fait alterner les déambulations et les travaux de Cabascabo dans Niamey avec les scènes revécues, l'efficacité d'une image en noir et blanc qui exclut tout spectaculaire expliquent, avec l'interprétation donnée par Ganda lui-même du personnage de Cabascabo, la place que prit immédiatement l'auteur au Niger.
Les films suivants confirment le fait que Ganda s'intéresse d'abord au présent, aux problèmes vécus chaque jour par le peuple de Niamey et de la vallée du fleuve. Le Wazzou polygame (erreur de titre pour « Le Wazzou du polygame ») dénonce l'hypocrisie d'un « El Hadj », un de ces musulmans confits en dévotion, qui n'hésite pourtant pas à briser les fiançailles de la jeune Fatou, à contraindre son ami Garba à fuir en ville et qui provoque ainsi le meurtre, avant le mariage, d'une fille d'honneur par sa première épouse, folle de jalousie : Fatou s'enfuit elle aussi à Niamey où, ne retrouvant pas Garba, elle doit se prostituer dans les bouges de la ville. Filmé dans une profusion de vert et de rouge, ce récit, souvent elliptique, n'est alourdi par aucune morale facile. Il en va de même dans Saïtane, film également en couleurs, mais dans les tons ocre et brûlé, un peu plus long que les précédents : une jeune femme conseillée par un marabout, le Saïtane du titre, trompe son mari qui, cependant, ne veut pas laisser son beau-père récupérer sa fille et son petit-fils. Par le biais des visites au féticheur, c'est toute la société actuelle du Niger, à la fois urbaine et villageoise, aisée et appauvrie,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Hervé CRONEL : ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, agrégé de l'Université
Classification