OURS BRUN EN EUROPE
Régression des populations d’ours brun et changement de statut
L'élimination par la chasse, le piégeage, l'empoisonnement ainsi que la destruction des milieux ont entraîné une forte régression des populations d'ours, qui se sont éteintes dans plusieurs territoires. L'espèce a fortement diminué dès l'époque romaine sur les façades maritimes et le long des axes de transport qui connaissaient alors un essor et transformaient les usages territoriaux. L'ours aurait disparu d'Angleterre au xie siècle, d’Allemagne au milieu du xixe, et le dernier ours suisse aurait été abattu en 1904 dans le canton des Grisons. Dans les années 1930, il n'est plus présent dans la plupart des pays européens. En France, il disparaît en 1850 du Massif central et dans l'Est (Franche-Comté). Dans les Alpes françaises, il est probable que l'espèce se soit éteinte à la fin des années 1930, le dernier ours de cette région ayant été vu à Saint-Martin-en-Vercors (Drôme) en 1937.
La population ursine de l’Hexagone ne va se maintenir que dans les Pyrénées et particulièrement dans sa partie occidentale (Béarn, vallées d'Aspe, d'Ossau et de Barétous). La plupart des chiffres d'estimation des ours dans les Pyrénées n'ont pas grand sens avant les années 1980 car il n'existait pas de méthode scientifique de comptage. Par exemple, le chasseur et médecin Marcel Couturier (1897-1973) avance le chiffre de soixante-dix ours en 1954, chiffre probablement surestimé car il comptait par commune, or les animaux ne se cantonnent pas à ces limites territoriales. À cette époque, la population d'ours dans les Pyrénées est déjà scindée en deux, avec des effectifs plus denses à l'ouest qu'à l'est, où les derniers ours disparaissent en premier. En 1980, l'Office national de la chasse et le biologiste Jean-Jacques Camarra évaluent entre douze et quinze le nombre d’ours vivant en France. En 1995, six ours seulement survivent, dont une seule femelle, baptisée Cannelle et qui sera abattue par un chasseur en 2004. Sans les opérations de réintroduction de spécimens de Slovénie dans les Pyrénées centrales (1995-1996 et 2006), le plantigrade aurait totalement disparu de France.
L'ours brun a vu son statut national et européen se modifier à partir des années 1970, avec l'essor des idées et des politiques écologistes. Il est protégé tardivement en France. Chasse et destruction sont interdites en 1972 et, en vertu de la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature, l'ours est inscrit sur la liste des espèces protégées en 1981. Au niveau européen, la France inscrit également cette espèce au titre de la convention de Berne de 1979 qui entrera en vigueur en 1990. Mais c'est surtout la directive « Habitats » concernant la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages (directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992) qui protège l'ours en Europe. Au sein de cette directive, son classement est double : d’une part, l'ours est une espèce prioritaire de l'annexe II (espèces animales et végétales d'intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de zones spéciales intégrées dans le réseau Natura 2000) ; d’autre part, il est classé en annexe IV (espèces animales et végétales d'intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte). La protection de l'ours est donc totale, sauf dérogation, en sachant que les pays d'Europe centrale et orientale entrés dans l'Union européenne en 2004, 2007 et 2013 ont négocié une application plus souple, ces pays revendiquant une tradition de chasse de l'animal.
Les estimations des effectifs d'ours brun en Europe sont de l'ordre de 50 000 à 60 000 individus, avec des situations très hétérogènes. Dans bien des pays, les chiffres[...]
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Écrit par
- Farid BENHAMMOU : géographe, chercheur associé au laboratoire Ruralités de l'université de Poitiers, enseignant en classes préparatoires aux grandes écoles
- Jean-Pierre RAFFIN : docteur ès sciences, retraité de l'enseignement supérieur
Classification
Médias