OURS BRUN EN EUROPE
Des programmes de réintroduction
L'Italie et l'Autriche ont également effectué des opérations de réintroduction et de renforcement. Si la situation française n'est pas parfaite, celle de ces deux autres pays est tout aussi délicate. L'Italie possède déjà deux populations naturelles. L’une, colonisée par quelques ours en provenance de Slovénie, est située au nord-est, dans le Frioul. L'autre se trouve au cœur du pays, sur un territoire réduit – principalement le parc national des Abruzzes, du Latium et de Molise. Avec moins de cinquante individus, cette population est représentée par l'ours marsicain, une sous-espèce d’ours brun spécifique de cette région centrale. Sa particularité génétique serait liée à l'isolement de l'Italie lors des périodes glaciaires. Cette population endémique n’est pas à l’abri d’éliminations illégales et une forte consanguinité n'arrange rien. Une troisième population vit au nord de l’Italie, dans le Trentin-Haut-Adige (Alpes italiennes). Réduite à trois ours mâles en 1997, elle a fait l’objet d’un programme européen de renforcement qui a permis de lâcher dans cette région dix ours slovènes de 1999 à 2002. Les effectifs ont augmenté rapidement pour atteindre quarante-neuf ours en 2017, certains ayant même franchi la frontière suisse. La situation semble meilleure que dans les Pyrénées françaises car les lâchers ont été rapprochés, ce qui a permis une croissance plus rapide de la population. Par ailleurs, comme les ours d'origine sont plus divers génétiquement (trois mâles reproducteurs), les risques de consanguinité sont moins importants que dans les Pyrénées, où le seul mâle, Pyros, est le géniteur, direct ou indirect, de la plupart des ours vivant en France (le programme étant bloqué côté français, les Espagnols ont lâché un mâle côté catalan en 2016 pour réduire cette consanguinité, les ours passant indistinctement des Pyrénées françaises aux Pyrénées espagnoles, mais cette initiative reste toutefois insuffisante pour changer les choses). Dans le Trentin-Haut-Adige, le taux d’acceptation de l’ours par la population a fortement diminué (il est passée de 76 p. 100 en 2003 à 30 p. 100 en 2011 dans les Alpes italiennes) et les cas de braconnage se sont multipliés. L'image du programme de renforcement, à l’origine très populaire, se détériore en raison des dégâts commis par les ours et des agressions sur des touristes ayant conduit les autorités italiennes à abattre une ourse en août 2017. Or, en France, malgré les tensions, la situation est plus stable, voire s'améliore localement. Le Comité de massif Pyrénées, instance représentative des élus pyrénéens, n'est plus hostile à des renforcements, et des élus du Béarn, une région historiquement verrouillée à tout lâcher d'ours, semblent plus ouverts, les blocages demeurant au plus haut niveau politique. L’Ariège reste cependant un territoire de forte hostilité.
En Autriche, la situation est bien pire. En 1972, un ours mâle venu de Slovénie parcourt une grande distance pour rejoindre la région de l'Ötscher, dans le centre du pays. Le Fonds mondial pour la nature (WWF pour World Wide Fund for Nature) met alors en œuvre un programme de réintroduction pour favoriser la reproduction de cette espèce et y libère trois ours (deux femelles et un mâle) entre 1989 et 1993. À l’échelle de ce pays, la population ursine compte jusqu'à trente-cinq individus à la fin des années 2000. Puis, on perd progressivement la trace de la plupart de ces ours. En 2012, la population du centre et de l'est de l'Autriche est finalement déclarée éteinte. Les oppositions ont toujours été fortes dans ce pays, notamment de la part du puissant secteur de la chasse et accessoirement des éleveurs. Le faible nombre initial d'animaux de départ et les éliminations illégales expliquent la situation.[...]
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Écrit par
- Farid BENHAMMOU : géographe, chercheur associé au laboratoire Ruralités de l'université de Poitiers, enseignant en classes préparatoires aux grandes écoles
- Jean-Pierre RAFFIN : docteur ès sciences, retraité de l'enseignement supérieur
Classification
Médias