OURS BRUN EN EUROPE
Des sociétés européennes marquées par l'ours
L'ours brun marque profondément les sociétés européennes depuis la Préhistoire. Les peintures rupestres prouvent l'importance de cette espèce qui n'a pas laissé indifférents les premiers humains peuplant l'Europe. De nombreux indices attestent d'un culte de l'ours qui aurait perduré jusqu'au Moyen Âge et l'avènement du christianisme. Ce dernier aurait œuvré à faire reculer l’importance de l'ours en mettant notamment en avant le lion, animal exotique et figure christique, comme roi des animaux au détriment de l'ours. Pourtant, cette importance socioculturelle s'est maintenue à travers l'héraldique, l'ours se retrouvant souvent sur les écussons, armes et emblèmes de nombreuses familles nobles et de villes. La toponymie l'atteste également notamment en terre germanique. Les villes de Berlin et Berne en sont de bons exemples (ber ou bernsignifiant « ours » en allemand ancien). On peut citer en France, dans les Pyrénées-Atlantiques, le toponyme de la vallée d'Ossau et celui du mont Artzamendi (signifiant « montagne des ours » en basque). Des prénoms européens sont aussi marqués par l'ours, censés donner la puissance à ceux qui les portent. On retrouve ainsi la racine germanique ber ou bern dans Bernard par exemple, Ursule étant construit sur la racine latine de même sens, et Armel et Arthur sur la racine celtique correspondante.
Des fêtes de l'ours marquent encore certaines communautés européennes et leur survivance est forte dans les Pyrénées-Orientales françaises. Le village de Prats-de-Mollo-la-Preste est le plus célèbre. Lors de ces fêtes, qui ont lieu en février, période des premières sorties d'hivernation des ours, se retrouvent les symboliques de la renaissance du printemps, mais aussi de la domestication du sauvage. Des hommes vêtus d’une fourrure et au visage grimé d’huile et de suie parcourent la ville, en simulant l’enlèvement de jeunes filles, avant d'être capturés par des barbiers (hommes vêtus et maquillés de blanc) qui vont les enchaîner, les raser et les laver, symbolisant le retour à la civilisation.
L'ours, emblème moderne de la protection de la biodiversité, donne aussi lieu à des programmes de valorisation inspirés d'un développement soutenable. Ainsi, le parc national des Abruzzes en Italie et le parc naturel de Somiedo en Espagne ont initié des programmes encourageant les producteurs et artisans locaux à utiliser l'ours comme marque promotionnelle pour leurs produits. En France, l'association Pays de l'ours-ADET a mis en place des chartes avec les professionnels du tourisme, de la restauration et des apiculteurs, visant à la fois la promotion des produits locaux et la protection de l'ours.
Alors que la faune sauvage en France et dans le reste du monde est grandement menacée, la présence des ours, souvent maintenue sur les marges du territoire européen, nous montre que l'existence d'une nature emblématique tient encore à peu de choses. Certes, des programmes de conservation peuvent porter leurs fruits, mais la situation de l'ours brun demeure précaire. Que représentent les 50 000 à 60 000 ours sauvages en Europe face aux 19 millions de bovins domestiques rien qu'en France ? Ours et humains cohabitent depuis des milliers d'années en Europe, et maintenir l'espèce ursine – qui peut nous déranger – et son environnement est un objectif qui éprouve notre propre durabilité.
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Écrit par
- Farid BENHAMMOU : géographe, chercheur associé au laboratoire Ruralités de l'université de Poitiers, enseignant en classes préparatoires aux grandes écoles
- Jean-Pierre RAFFIN : docteur ès sciences, retraité de l'enseignement supérieur
Classification
Médias