OVIDE (43 av. J.-C. 17 apr. J.-C.)
Ovide appartient à la génération qui vécut le passage du premier siècle avant J.-C. au premier siècle après. Même si cette époque tout entière a reçu la dénomination de siècle d'Auguste, Ovide fut ce que H. Fraenkel appela « un poète entre deux mondes ». Vie en province, vie à Rome, vie d'exil ; ce sont trois étapes très simples qui ne rendent pas compte de la complexité d'une œuvre originale dans sa variété et sa cohérence. La logique de la « philologie » a longtemps relégué le poète au second plan, pour cause de verbiage, de rhétorique, de facilité, etc. Mais il sort peu à peu de son ère de malédiction grâce à des chercheurs qui ne se contentent plus de classifications périmées. Et sa vie posthume a pris des formes diverses dont le déchiffrement n'est pas encore terminé. De Sénèque le Rhéteur, disant ses qualités de bon étudiant, à Picasso, illustrant de son trait hardi certains épisodes des Métamorphoses, beaucoup d'artistes et de penseurs ont travaillé au devenir d'Ovide.
Un poète érotique
Publius Ovidius Naso est né à Sulmone, petite ville qui garde son souvenir attendri dans l'immuable décor des Abruzzes. Il étudia à Rome où il fut, selon le témoignage de Sénèque le Père, l'élève brillant de rhéteurs célèbres. Il fit, avec son ami Aemilius Macer, le classique voyage en Grèce. Il aima Rome et tout ce qu'elle offrait alors à qui cherchait distractions, cercles littéraires et systèmes de pensée. Il se maria trois fois. Pour une raison inconnue et controversée, Auguste l'envoya en exil à Tomes, sur les bords du Pont-Euxin, dans l'actuelle Dobroudja ; et la mort du souverain ne mit pas fin à cette relégation qu'il dut subir jusqu'en 17, année où le poète éloquent et sociable qu'il avait été mourut fort isolé et déprimé.
Quoique admirateur de Lucrèce et de Virgile, Ovide suivit d'abord la trace de Cornelius Gallus en écrivant comme Properce et Tibulle des distiques élégiaques. Corinne – dont le nom domine les Amores – n'a pas la personnalité de Lesbie, de Cynthie ou de Délie ; c'est plutôt une image de la femme, ou des femmes qu'il connaît bien. En cinq livres, puis en trois, il définit son écriture personnelle et traite avec une aisance quelquefois teintée d'ironie des thèmes connus qu'il renouvelle par une sorte de distanciation : l'attente devant la porte fermée, la maladie de la femme aimée, la coquetterie, la joie du premier triomphe, les jalousies, les turpitudes, l'amitié, rien n'est peut-être anecdotiquement véridique, mais tout sonne juste, même le poème de regret sur la mort de Tibulle. L'amour est une sorte de militia ; Cupidon s'amuse avec la fantaisie de la jeunesse ; on entrevoit le souvenir de Sulmone. Les Héroïdes, lettres en vers de femmes abandonnées, auront une longue postérité en langue latine ou vulgaire. Briséis, Médée, Phèdre, Laodamie, gardent leur accent épique ou tragique tout en pratiquant la rhétorique élégiaque du pressentiment d'abandon défini après coup. Ovide a lu ses classiques grecs ; et même Sapho, à qui il prête une lettre à Phaon. Mais toutes ces femmes, et les hommes qui leur répondent dans la deuxième série de lettres, ont quelque chose des femmes du siècle d'Auguste et prennent, par le sentiment pressant de leur isolement, une dimension plus humaine que mythique. Par goût du jeu, mais aussi par une sorte d'attirance profonde pour le changement, Ovide s'essaie ensuite à une parodie des artes à la mode, en écrivant l'Ars amatoria et ses Remedia amoris quelque peu « homéopathiques ». Avec une verve soutenue par son expérience et par le sens qu'il a de l'observation, il dit, sur un ton faussement doctoral, où chercher des conquêtes (théâtre, cirque, etc.), comment plaire, comment plaire longtemps ; et,[...]
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Écrit par
- Simone VIARRE : professeur à l'université de Lille-III
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