PICASSO PABLO (1881-1973)
Monstre sacré de l’art moderne défrichant sans cesse de nouvelles voies esthétiques, des Demoiselles d’Avignon (1907, Museum of Modern Art, New York) jusqu’à ses dernières toiles – La Famille (1970, musée Picasso, Paris) –, Pablo Picasso demeure, depuis son décès à Mougins (Alpes-Maritimes) le 8 avril 1973, un des peintres et sculpteurs les plus célèbres au monde. En 2023, pour le cinquantenaire de sa disparition, cinquante expositions lui ont été consacrées dans les plus grands musées du monde, en raison de son « héritage artistique et de la permanence de son œuvre », selon la formule officielle du ministère français de la Culture. La richesse exceptionnelle de ces manifestations atteste de la diffusion mondiale d’une gloire qui dépasse tous les autres artistes occidentaux, à part Léonard de Vinci. Et, si Pablo Picasso appartient pleinement au xxe siècle qu’il traverse depuis sa naissance, il rayonne encore au xxie siècle d’une aura contemporaine, soulignée par l’exposition Picasso.mania, qui fit date en 2015, avec la participation de très nombreux artistes, tels Maurizio Cattelan (Untitled [Picasso], 1998, masque en papier mâché, coll. part.) ou Adel Abdessemed (Who’s Afraid of the Big Bad Wolf?, 2011-2012, installation, coll. part.). Sa célébrité, due à l’ampleur de sa production et au renouvellement incessant de son inventivité multiforme de peintre, de dessinateur, de sculpteur, voire d’écrivain, tient aussi à sa personnalité et à son parcours de vie. Picasso est par excellence un héros de la modernité européenne. Il a exercé sur l’ensemble du monde et sur ses contemporains, notamment féminins, une domination sans partage qui fait désormais l’objet de contestations et de critiques.
En quête de modernité, de Màlaga à Paris
Fils de Maria Picasso y Lopez et d’un peintre et conservateur de musée, José Ruiz y Blasco, Pablo Ruiz Picasso naît à Málaga (Andalousie) le 25 octobre 1881. Son père est nommé professeur à l’Instituto da Guarda, à La Corogne (Galicie), puis en 1895 à Barcelone, à l’École des beaux-arts, où il commence lui-même sa formation. La capitale de la Catalogne, ouverte à une modernité artistique marquée où se mêlent des influences venues du nord de l’Europe et de la France, joue un rôle clé dans son apprentissage d’artiste, interrompu par un séjour bref et décevant à Madrid, à l’Académie royale des beaux-arts de San Fernando. Picasso se tourne alors résolument vers Paris, où il fait un premier séjour en 1900, pour visiter l’Exposition universelle et vendre quelques œuvres. Il y retourne ensuite en 1901, après le suicide de son ami le peintre Casagemas (La Mort de Casagemas, musée Picasso, Paris), pour une exposition à la galerie Ambroise-Vollard, très remarquée dans la presse (Autoportrait, 1901, musée Picasso, Paris). Après un troisième séjour en 1903, Picasso s’installe définitivement à Paris en 1904. Il vit et travaille à Montmartre, au Bateau-Lavoir, avec sa compagne Fernande Olivier à laquelle il restera lié jusqu’en 1912, et fréquente les écrivains Max Jacob, Guillaume Apollinaire et André Salmon. À ses premières toiles centrées sur le monde interlope du spectacle, des prostituées – de Danseuse naine [La Nana] (1901, museu Picasso, Barcelone) à Arlequin accoudé (1901, The Metropolitan Museum of Art, New York) – succède la période bleue – « bleue comme le fond humide de l’abîme et pitoyable » (Apollinaire, 1905) – qui culmine avec La Célestine [La Femme à la taie] (1904, musée Picasso, Paris). Picasso s’oriente ensuite autour de 1905 vers des coloris roses – période rose – avec La Femme à l’éventail (1905, National Gallery of Art, Washington DC) et surtout La Famille des Saltimbanques (1905, National Gallery of Art, Washington DC), immense tableau qui résume ses années de misère à Paris et montre son empathie pour les[...]
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Écrit par
- Paul-Louis RINUY : professeur d'histoire et de théorie de l'art contemporain, université de Paris VIII
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Autres références
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