PICASSO PABLO (1881-1973)

Picasso classique, Picasso surréaliste

La Première Guerre mondiale éloigne Picasso, citoyen d’un pays neutre, l’Espagne, de Braque et Derain partis au combat, et d’Apollinaire qui meurt en 1918. Quant au stock des 700 tableaux possédés par Kahnweiler, citoyen allemand, il est soustrait aux regards et au commerce, car mis sous séquestre par l’État français. En 1917, sur les instances de Jean Cocteau, Picasso part pour Rome et crée pour Serge de Diaghilev, dans le cadre des Ballets russes, les décors et les costumes de Parade d’Erik Satie. Revenu à Paris, en 1918, il se marie avec la danseuse Olga Khokhlova, qu’il représente dans un portrait à la manière classique (Portrait d’Olga Khokhlova, musée Picasso, Paris) en affirmant son mode particulier de « retour à l’ordre » : « Je peins comme M. Ingres. » Ce revival classique le conduit à des compositions aux corps étrangement monumentaux (La Flûte de Pan, 1923, musée Picasso, Paris) et à des représentations apaisées et joyeuses comme les portraits de son premier enfant, Paul, né en 1921 (Paul en Arlequin, 1924, musée Picasso, Paris ; Paul en Pierrot, 1925, musée Picasso, Paris). Mais Picasso, malgré ou en raison même de ses réussites, ne s’installe jamais dans un courant établi. En 1925, il compose une toile violente et frénétique, La Danse (Tate Gallery, Londres), qui contraste radicalement avec l’harmonie des lignes et des couleurs orchestrées dans les tableaux précédents. Il s’impose ainsi comme le peintre du surréalisme, tant ses œuvres paraissent préfigurer le mot d’ordre, lancé quelques années plus tard par André Breton dans son récitNadja (1928) : « La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas. » Et c’est une de ses œuvres que choisissent Albert Skira et Tériade pour la couverture du premier numéro de leur revue Minotaure, créée en 1933, et devenue un des phares de la promotion du mouvement surréaliste.

La femme s’impose de manière constante comme le grand sujet de la peinture de Picasso. Elle est le modèle et l’objet central de son invention plastique qui le conduit à la fin des années 1920 aux lisières de l’abstraction dans une figuration libre, proche du biomorphisme (La Nageuse, 1929, musée Picasso, Paris). La femme est aussi et surtout l’inspiratrice de sa libido artistique, que ce soit Marie-Thérèse Walter, rencontrée en 1927 (Portrait de Marie-Thérèse, 1937, musée Picasso, Paris), ou la photographe Dora Maar, avec laquelle Picasso entretient une liaison passionnée à partir de 1936 (Portrait de Dora Maar, 1937, musée Picasso, Paris). Le corps de la femme constitue aussi le sujet par excellence de son invention sculpturale, notamment dans le grand assemblage réalisé en collaboration avec Julio González, La Femme au jardin (1929-1930, métal peint, musée Picasso, Paris). Et, profitant du nouvel espace du château de Boisgeloup, en Normandie, qu’il acquiert en 1930 grâce à ses ventes de peintures à succès, Picasso y fabrique un grand nombre de sculptures modelées en plâtre, comme la monumentale Tête de femme (1931, musée Picasso, Paris) ou des assemblages étranges, qui intègrent des éléments naturels et fragiles (Composition au papillon, 15 septembre 1932, tissu, bois, végétaux, ficelle, punaise, papillon et huile sur toile, musée Picasso, Paris).

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Écrit par

Paul-Louis RINUY : professeur d'histoire et de théorie de l'art contemporain, université de Paris VIII

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Pablo Picasso - crédits : Heritage Images/ Fine Art Images/ AKG-images — Pablo Picasso

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