PALAIS
Le besoin de protection, le désir d'ostentation, le plaisir de déployer l'espace architectural sont, à des degrés divers selon les époques, le principe des grandes demeures, quel que soit le lieu de leur implantation, rural ou urbain. On a pris l'habitude de parler dans le premier cas de « château » et dans le second de « palais ». L'étymologie palatium, résidence de l'empereur originellement sur le Palatin, n'est pas sans importance. Cette classification sommaire ne recouvre pas toute la complexité du problème architectural. Si la plupart des grandes demeures implantées dans la ville sont des palais, résidences somptueuses dépourvues de défenses (le Luxembourg, les Tuileries), la ville peut autant que la campagne, au moins jusqu'à la fin du Moyen Âge, abriter un château. Les châteaux fortifiés incorporés aux défenses de la ville sont innombrables. La reconstruction partielle, l'agrandissement et l'embellissement de certains d'entre eux à l'époque moderne, aboutissant à la formation progressive de demeures de plaisance en pleine ville, ne doivent pas faire illusion : il ne s'agit là que de la mise au goût du jour d'édifices dont le caractère originel fortifié ne fait pas de doute (Amboise) et non de la création de maison de plaisance dans un site urbain. Pour cette catégorie d'édifices, on trouve l'une ou l'autre appellation, château ou palais. La question soulevée par H. Damisch (« Histoire et typologie de l'architecture : le problème du château », in Annales, 1963) est d'importance : la distinction n'est pas toujours facile à faire entre château et palais ; à quel moment de son développement le Louvre a-t-il cessé d'être un château pour devenir un palais ? Dans ce cas précis, la destruction de la grosse tour ou donjon a été déterminante pour le changement de dénomination. Le donjon est le signe constitutif du château-fort ; sa destruction permet de mettre en place un autre système architectural visant une monumentalité typiquement palatiale. Le château du Louvre devient palais au fur et à mesure que s'édifient la cour Carrée et la colonnade. Le changement d'orientation de l'accès, l'ouverture vers la ville comptent moins que le déploiement de l'immense écran de colonnes qui prend le relais du « signe » féodal, donnant ainsi à l'édifice le statut de palais.
Un parti architectural ample et un traitement décoratif soigné — où l'ordre monumental, la colonne et le pilastre jouent un rôle obligé — sont liés à la notion de palais. Sauval, admirant l'architecture splendide, enrichie d'une ordonnance de colonnes, des châteaux de Coulommiers, Montceaux, Verneuil, les classe d'emblée parmi les palais. Laugier concéderait la qualité palatiale à Versailles si le château était entièrement reconstruit, avec des colonnades qui le transformeraient et le monumentaliseraient (le projet a d'ailleurs existé). On peut penser que si les projets de Gaston d'Orléans avaient été menés à leur terme, Blois serait devenu un palais et non le château qu'il est resté. Bien qu'intimement lié à la notion de magnificence, le terme de palais ne doit pas masquer l'aspect fonctionnel de ce type architectural. Dans tout l'Occident, il désigne le lieu qui sert non seulement de résidence au responsable de la vie civique ou religieuse, mais aussi de centre administratif au pouvoir. Aussi le terme de palais ne s'applique-t-il pas exclusivement à la résidence du monarque, mais aussi à celle des seigneurs locaux dans les petites villes du royaume. La fonction judiciaire exercée par les grands prélats explique l'appellation de palais donnée aux demeures des évêques, archevêques et cardinaux. Il reste qu'un grand nombre de châteaux — ceux dont le seigneur possède des droits étendus — sont le siège d'une justice particulière. Les prisons, le présidial, appartiennent[...]
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- C.R.H.A.M. : Centre de recherche de l'histoire de l'architecture moderne
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