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PALATIN, Rome, archéologie

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Dominant le Forum au nord et le Circus Maximus au sud, la colline du Palatin culmine à cinquante mètres environ au-dessus du Tibre et s'incline en direction du Forum Boarium par une pente, le Germal, autrefois considéré comme l'un de ses sommets. Voisin du fleuve et situé au centre du dispositif des collines sur lequel se développera Rome, le Palatin en serait aussi à l'origine. C'est là que, selon la légende, Romulus aurait fondé en 753 avant J.-C. la première cité, connue dans les textes sous le nom de Roma Quadrata (Rome carrée), allusion sans doute au périmètre enclos par la muraille primitive construite par son fondateur.

Quartier aristocratique sous la République, le Palatin accueille à l'époque impériale la résidence d'Auguste, puis celles de ses successeurs avec leurs différentes extensions (bureaux, thermes, jardins, temples...). Les palais qui occupent progressivement la totalité du site et font de ce dernier le quartier impérial par excellence portent ainsi le nom des empereurs ou des dynasties qui se sont succédé (Domus Tiberiana, Domus Flavia et Augustana, Domus Severiana). Cette image officielle est si forte que dès la fin du ier siècle après J.-C., avant même l'occupation complète de la colline, son nom (Palatium) désigne la résidence de l'empereur. De là viennent aussi les appellations actuelles des principales langues européennes (palast, palace, palacio, palazzo, palais).

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Le Palatin est progressivement abandonné et ruiné à partir du ve siècle après J.-C. D'abord propriété pontificale puis partie du domaine fortifié des grandes familles nobles, divisé enfin en Orti (jardins) et Vigne (domaines agricoles), il échappe à l'évolution urbaine du reste de la cité. Alors que les jardins Farnèse, dans le secteur nord-ouest du Palatin – à l'emplacement de la Domus Tiberiana –, sont conçus dès la fin du xvie siècle comme un parc d'agrément orné de statues provenant des premières fouilles, les pentes de la colline sont mises en culture et confiées à des métayers jusque dans la seconde moitié du xixe siècle. Dès le xviie siècle, ce caractère champêtre séduit les artistes, auteurs de vedute, qui trouvent là matière à associer de façon très décorative l'exubérance de la nature à la vue des ruines, suivant une esthétique chère au xviiie siècle puis au romantisme.

Le Palatin primitif et républicain

Des traditions légendaires, dont quelques-unes sont rapportées par Virgile (Énéide, VIII), font état d'une occupation du Palatin avant la prétendue fondation de Romulus. Pour certains auteurs antiques, le nom de la colline viendrait de Palès, divinité italique des troupeaux, dont la fête, le 21 avril, coïncide étrangement avec celui de la fondation de Rome. Pour d'autres, des immigrés grecs, d'origine arcadienne, s'y seraient d'abord installés sous la conduite du roi Évandre et de son fils Pallante, avant leur rencontre avec Hercule et Énée. Le nom de la colline dériverait alors de celui du fils d'Évandre ou de Pallantion, cité d'Arcadie que ce roi aurait quittée une soixantaine d'années avant la guerre de Troie. Ces légendes attestent des échanges commerciaux précoces (viiie siècle av. J.-C.) avec les Grecs et dont des témoignages archéologiques ont été découverts au Forum Boarium (area di San Omobono).

Jusqu'aux années 1985, on distinguait nettement les légendes relatives à la fondation romuléenne au Palatin des vestiges archéologiques. Certains, comme les fonds de cabane découverts à l'angle sud-ouest et datés du viiie siècle avant J.-C., sont connus depuis le début du xxe siècle et révèlent une occupation protohistorique du site comparable à celle dispersée sur les autres collines, et qui, pense-t-on habituellement, a concouru à la formation progressive de la ville au cours du viie siècle avant J.-C. Dès le premier âge du fer plusieurs habitats et des nécropoles s'étaient en effet développés et progressivement étendus depuis les zones du Palatin, de la Vélia, du Forum, de l'Esquilin. En revanche, la découverte, en 1985, par Andrea Carandini des restes d'une fortification située au bas de la pente nord de la colline paraît donner une nouvelle validité historique à la tradition d'une Rome palatine. Cette fortification, que l'archéologue italien date du deuxième quart du viiie siècle avant J.-C., et qui aurait été partiellement conservée et entretenue jusqu'à la fin de la République, succéderait à un habitat de cabanes rasé pour l'occasion. À ce titre, elle constituerait la marque d'une véritable fondation qu'Andrea Carandini identifie à celle dont on crédite Romulus. L'archéologue suggère que l'ouvrage serait lié au premier tracé de la limite sacrée de la ville (pomoerium), mentionné dans les textes anciens. La concentration sur le Germal de traditions et de monuments liés au souvenir de Romulus, comme l'autel de la Roma Quadrata, l'hérôon du fondateur et la grotte où la louve allaita les jumeaux (Lupercal), ferait de l'angle sud-ouest du Palatin le quartier royal de cette toute première Rome. Ces hypothèses suscitent encore de nombreuses objections liées à l'interprétation des sources comme à la fonction donnée à cette première enceinte. Selon d'autres archéologues, elle aurait plutôt permis d'isoler, pour des raisons militaires et religieuses, l'un des secteurs d'une agglomération qui, à l'époque, avait dépassé le stade des villages dispersés. Le Palatin aurait ainsi joué un rôle comparable à celui que remplira plus tard le Capitole.

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Quoi qu'il en soit, l'époque archaïque puis les débuts de la République sont une période importante pour la colline. C'est alors que se mettent en place la voirie, des lieux de culte, dont certains disparaissent par la suite, comme le sanctuaire de Junon Sospita, (« protectrice »), probablement transformé en Aedes Victoriae (temple de la victoire) au iiie siècle avant J.-C., ou le temple de la Fortune Respiciens, (« secourable »), bâti quelque part sur la pente orientale de la colline et détruit par l'incendie de Rome en 64 après J.-C. Dès le iiie siècle, le paysage religieux est dominé par les temples, situés à l'angle sud-ouest du Palatin, de la Victoire (294 av. J.-C.) et de Cybèle (la Grande Mère, Magna Mater), divinité importée d'Asie Mineure durant la seconde guerre punique (204 av. J.-C.).

À la fin du vie siècle avant J.-C., le Palatin devient un quartier résidentiel recherché par l'aristocratie. Les pentes nord sont alors occupées par de vastes domus, tournées en direction de la via sacra (« voie sacrée ») et du clivus palatinus (« rampe du Palatin »). Ces demeures présentent de façon précoce les caractéristiques principales de l'architecture domestique : une axialité marquée, un atrium central et des pièces distribuées selon une disposition qu'on retrouvera sous la République. Ces maisons passeront de génération en génération. Dès le iie siècle avant J.-C., d'autres sont connues ailleurs sur la colline et l'on peut suivre leur évolution et leurs transformations. Ces différentes domus appartiennent à de grandes familles, comme les Claudii ou les Aemilii, mais parfois aussi à des « hommes nouveaux » (sans tradition familiale politique), comme Cicéron. Le luxe dont elles témoignent leur confère un rôle important dans l'affirmation des ambitions politiques de leurs occupants : c'est là, à proximité du Forum, que ceux-ci reçoivent leurs « clients ». La plupart d'entre elles disparaîtront dans les premières années de l'Empire, lorsque le Forum perdra de son importance politique, et les dernières brûleront lors de l'incendie de Rome en 64 après J.-C.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art et d'archéologie à l'université de Tours, agrégé de l'Université, ancien membre de l'École française de Rome et de l'École normale supérieure

Classification

Autres références

  • HABITAT - L'habitat gréco-romain

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    • 16 médias
    En Italie, les fonds de cabane retrouvés à Rome, sur le Palatin, et datés d'avant la fondation de la Ville, c'est-à-dire du viiie siècle, présentent le même plan ovale que les maisons grecques de type primitif, mais sans socle de mur construit ; elles sont donc un témoin italique de la...

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