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PALÉO-ICHNOLOGIE

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Cette branche de la paléontologie étend son domaine à toutes les traces d'animaux fossiles ; cependant l'ichnologie s'adresse plus particulièrement aux traces laissées au cours de l'activité des organismes et non après leur mort, de façon passive. On peut expliciter cette conception de la paléo-ichnologie par la définition suivante : il s'agit de l'étude des traces fossiles d'activité animale, qui coïncide bien avec le terme que les Allemands ont imposé depuis le début du xxe siècle (Lebensspur : « empreinte d'activité vitale »).

Les traces organogènes ne sont pas les seules conservées, et celles qui sont dues à des mécanismes purement physiques (figures d'érosion, fentes de dessiccation, marques de traînage, impacts de menus objets à la surface des sédiments) pourraient logiquement être incluses dans la paléo-ichnologie. Toutefois l'usage s'est instauré de distinguer ces figures sédimentologiques, au demeurant souvent utilisées en même temps que les traces d'activité pour reconstituer une polarité ou un paléomilieu, hors de la paléo-ichnologie.

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Une première étape de l'étude des traces consiste donc dans leur identification comme traces d'activité. Pratiquement, on exécute le relevé des empreintes (souvent imparfaites) par dessin, photographie, moulages en plâtre ou en plastique, photogrammétrie. La répétition du même motif conduit à la notion d'ichno-espèce et à une nomenclature hésitant entre la dénomination zoologique binominale qui rappelle celle des auteurs présumés de ces traces et une classification où les espèces et groupements d'espèces sont remplacés par des formes et des groupes de formes. Quoi qu'il en soit, le but de la paléo-ichnologie est de rattacher de la façon la plus rigoureuse les traces à leurs auteurs. La méthode de l'ichnologie comparée a conduit à reconnaître la liaison entre la forme du corps et les empreintes qu'il laisse dans les conditions les plus variées : diversité et convergence de forme des traces des différents groupes zoologiques, consistance du substrat, activités, allures diverses du même animal, etc. On s'appuie donc nécessairement sur une connaissance des traces actuelles, qui apparaît toujours bien incomplète, mais celle-ci ne suffit pas : les groupes entièrement fossiles ont laissé des traces qu'il faut interpréter par analogie structurale et certaines restent énigmatiques au point qu'on les groupe sous le nom de problematica.

Traces de pas de dinosaures - crédits : E. Buffetaut

Traces de pas de dinosaures

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Les traces d'activité fossiles peuvent se répartir en traces d'invertébrés et traces de vertébrés. Les vertébrés sont surtout connus par leurs pistes laissées sur les sols meubles plus ou moins gorgés d'eau : rivages lacustres et marins, bords des cours d'eau et de mares pour les formes terrestres. Les traces de poissons sont rares, mais les batraciens et reptiles ont laissé des pistes de nage au ras du fond. Les invertébrés fournissent une extrême diversité de traces : traces superficielles ou traces de fouissage à l'intérieur d'un sédiment, galeries, terriers, perforations de roches dures. Leur disposition parallèle au litage ne signifie pas toujours une activité superficielle, car de nombreux fouisseurs limivores se nourrissent en ingérant une mince couche de sédiment déjà enfoui sous quelques décimètres de sédiment impropre à leur consommation. Toutes ces caractéristiques physiologiques conduisent curieusement à l'usage tectonique de certaines traces : connaître la polarité originelle d'une couche permet de distinguer un renversement tectonique. De même, la relation démontrée entre diverses formes fouisseuses et l'épaisseur des sédiments sous laquelle ils avaient coutume de vivre justifie l'interprétation de sédimentation saccadée du faciès flysch. La liaison paléo-ichnologie-sédimentologie a également permis de distinguer une succession d'ichnofaciès marins dont la zonation paléogéographique fournit des informations sur la profondeur au moment de la sédimentation. Il reste que le principal apport de la paléo-ichnologie concerne l'évolution : les restes de vertébrés sont toujours rares et généralement très imparfaits. À défaut de squelette, il est donc justifié de se servir des pistes d'amphibiens et de reptiles pour reconstituer le peuplement de la fin du Paléozoïque et du Mésozoïque. Cela est d'autant plus justifié que l'une des lois de la paléo-ichnologie est que les squelettes sont rarement conservés là où les pistes sont abondantes : certaines couches continentales du Trias européen ont été ainsi datées pour la première fois, et l'échelle ichnologique permet la meilleure subdivision stratigraphique des séries continentales du Trias et du Lias d'Afrique du Sud et d'Europe occidentale. Il est frappant de trouver à tant de distance un parallélisme étroit entre les principales phases de l'évolution ichnologique, mais il est encore plus remarquable que ce soient les pistes de reptiles qui aient permis de montrer, avant la découverte de squelettes, l'ancienneté de l'explosion polyphylétique des dinosauriens saurischiens.

Les contributions de la paléo-ichnologie aux disciplines les plus variées de la géologie justifient son développement, mais il faut reconnaître que, comme toutes les branches scientifiques à la charnière entre plusieurs disciplines, elle nécessite une conception synthétique qui est rendue difficile par la tendance à la spécialisation.

— Jean-Claude PLAZIAT

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Écrit par

  • : docteur en géologie, maître assistant à l'université de Paris-Sud, Orsay

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Traces de pas de dinosaures

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